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Tout sur ma mère

« Les garçons et Guillaume, à table ! » de Guillaume Gallienne

mardi 3 décembre 2013, par Sébastien Bourdon

À la caisse de mon cinéma de quartier, alors que je retirais mes tickets, la sympathique ouvreuse me dit, tiens voilà longtemps qu’on ne vous avait vu. Vie de con, même plus le temps d’aller au cinoche. Lecteur, si tu existes et me lis, tu t’en es d’ailleurs certainement rendu compte, les chroniques ne sont pas tombées sur toi en pagaille en cet automne 2013.

Parce qu’un peu d’espace spatiotemporel s’était libéré, même si ce film n’était pas notre premier choix dans la pléthore d’opus à voir (le dernier film des frères Coen !), on n’a pas résisté à l’envie de plonger dans les marasmes existentiels de l’acteur Gallienne, fils de famille bourgeoise à l’art certain mais à la sexualité trouble. J’étais sceptique, mais pas inquiet, il y avait nécessairement matière à passer un bon moment.

J’ai découvert ce garçon par le biais de son émission de radio sur France Inter, le samedi après-midi. Avec sa belle voix et sa diction de sociétaire de la Comédie Française, il nous fait partager, dans une ambiance sonore choisie, divers chefs d’œuvres de la littérature. J’écoute cela après les salutations au soleil, cela finit de m’apaiser car les livres, à l’instar du yoga, remettent de l’intelligence dans le corps. Comme le dit justement Monsieur Gallienne, « ça ne peut pas faire de mal ».

La matière du film est née de son spectacle en one man show, ici transformé en images qui bougent avec du son, même si la trame reste identique. On peut d’ailleurs la résumer en cette universelle problématique : comment arriver à se sortir de l’image immuable que semblent avoir de vous les membres de votre famille pour suivre une route, certes chaotique, mais qui vous est propre. Guillaume est né fille dans le cœur de sa mère et dans le regard de ses frères et père. Le film suit donc le parcours plus ou moins drolatique (le parti pris est d’en rire, mais ce n’est pas toujours aisé) que va suivre ce malgré tout garçon pour arriver surmonter ses peurs et se révéler pleinement dans sa propre personnalité (celle, par ailleurs multiple, d’un acteur justement).

Tout le film oscille habilement entre ce qui devrait être légitimement ressenti comme terrible et l’irrésistible comique. On pleure beaucoup en somme, de rire donc, mais pas seulement. Une certaine critique lui a d’ailleurs reproché une trop grande légèreté dans le traitement de son sujet, de tels tourments de l’âme et du corps ayant forcément du engendrer de grandes souffrances. C’est justement la seule pudeur du film, et elle n’est pas des moindres, aussi égotiste que soit Guillaume Gallienne, il ne s’appesantit pas sur sa douleur, ne retenant des peines et des échecs que ce qu’ils avaient de drôles et de formateurs. Et cette distance que s’impose l’auteur vis-à-vis de son ressenti ne nuit finalement pas à l’émotivité du spectateur, nous avons quand même beaucoup pleuré, dois-je le répéter.

Finalement, lorsque l’on est seul et triste, perdu et éperdu, rêver au souffle des femmes en écoutant Supertramp, aussi douloureux que cela puisse être, cela reste un bien joli programme.

Sébastien

P.S. sur la vive et passionnée recommandation d’un ami très cher, j’ai enfin visionné Take Shelter de Jeff Nichols (2011). Un citoyen américain lambda (extraordinaire Michael Shannon), se voit petit à petit débordé par ses terreurs grandissantes, mais conscientes, et se convainc de la nécessité de trouver un abri à sa famille, quitte à y laisser ses économies et sa santé mentale. Le film réussit la prouesse d’être aussi pertinent dans l’onirisme que dans sa description d’une Amérique en plein marasme économique, qui plus est gangrénée par la paranoïa post 11 septembre. L’œuvre est terrifiante de bout en bout, à telle enseigne que le lendemain matin, je ne voulais plus m’extraire de ma couette, comme encore plus éveillé aux menaces du monde, par l’évidence de n’être qu’un roseau pensant. Chef d’œuvre.

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