Accueil > Francais > Cinéma > « Tonnerre » de Guillaume Brac

« Tonnerre » de Guillaume Brac

vendredi 21 février 2014, par Sébastien Bourdon

Mon Cœur a tant de Peine

Alors que venait tout juste de s’éveiller l’an de grâce 2014, je me trouvais dans une chambre d’hôtes au sud de la Bourgogne à discuter avec un couple de belges (on croise toujours des belges dans les chambres d’hôtes françaises, tout le monde vous le dira). Ces derniers me recommandaient vivement la visite de la bourgade de Tonnerre, au charme indiscutable semble t’il et selon eux. Las, je n’en connais toujours pour l’instant qu’un panneau sur l’autoroute. Et maintenant un film.

S’il est une œuvre pour laquelle mon impatience se faisait sentir, c’est bien celle-là. Le moyen métrage « Un monde sans femmes » (2011) du même Guillaume Brac m’avait fait l’effet d’une révélation, de quelque chose de sensible et juste destiné à un public qui m’est cher : moi-même et quelques autres (http://www.soundsmag.org/It-s-a-man-s-world). C’est donc presque tendu et très excité que je me suis assis dans la salle. La vie peut être décevante, en l’espèce, ce long métrage a tenu presque toutes ses promesses (ouf).

Si le réalisateur fait à nouveau appel au comédien Vincent Macaigne, il emploie un peu différemment sa douce déglingue, n’hésitant pas à l’emmener vers les terres désolées du désespoir et de la violence qui peut en découler. Il incarne Maxime, un rocker parisien un peu paumé, venu se réfugier quelques mois chez son père (Bernard Menez !) dans un Morvan hivernal, pour y trouver un peu du calme et de la sérénité nécessaires à la composition.

Le couple formé avec son père, tout en tendresse et conflits ancestraux larvés (quid de la mère ?), est à la fois drôle et touchant, le réalisateur filmant merveilleusement les rapports humains, avec un naturel qui ne peut que frapper n’importe quel spectateur pouvant se retrouver de près ou de loin dans cette intimité. Ces retrouvailles familiales plus ou moins paisibles dans la ville enneigée vont se trouver quelque peu perturbées par le surgissement de l’amour neuf, en la personne de Mélodie, ravissante jeune fille locale, toute en rondeurs et timidité troublantes (Solène Rigot). Si le jeune couple file d’abord un parfait amour, les nuages s’accumulent mystérieusement et le film gagne alors en brutale intensité.

Il s’agit indéniablement d’une œuvre romantique, au sens où on l’entendait au XIXème siècle, l’histoire est même ainsi résumée par un personnage à la fin du film. Tout semble se rattacher à ce courant littéraire (on y entend la poésie de Musset), les paysages à la fois beaux et désolés, la neige sur le Morvan, et ces tourments de l’âme, les silences de l’être aimé qui vous gagnent comme le froid de la mort. Il y a quelque chose de profondément rassérénant que de voir sur grand écran être aussi bien filmées les errements du cœur (qui comme chacun sait a ses raisons que la raison ignore).

Si le film s’inscrit quand même dans l’époque, les relations sont souvent épistolaires mais par SMS, les difficultés économiques sont tangibles, il est également générationnel, lançant aux happy few quelques clins d’œil appuyés : vinyles des Pink Floyd, de John Lennon, de Dylan, de Neil Young sur les murs et la platine du père, la finale Mc Enroe-Lendl sur YouTube (Roland Garros 1984), Maxime feuilletant le livre pour enfants « La Vache Orange » (les albums du Père Castor)… Mais ces quelques références ne relèvent jamais de la tentative putassière de connivence, c’est de la culture que l’on fait passer, celle qu’on ne voudrait pas voir mourir ou lentement disparaître. Finalement, le film ne parle que d’amour, de ces attachements qui nous sauvent et parfois nous tuent.

Sébastien Bourdon

Un message, un commentaire ?

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.