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« Daisy Miller » de Peter Bogdanovich (1974)

vendredi 13 juin 2025, par Sébastien Bourdon

Le Temps Perdu

Dans une longue ouverture silencieuse, la caméra parcourt la cage d’escalier et les couloirs déserts d’un hôtel coquet, quand soudain, un enfant sort de sa chambre et entreprend de déranger les chaussures sagement posées pour être cirées par le petit personnel.

Nous est ainsi subtilement présentée l’histoire : un dérangement soudain dans monde paisible, comme celui qui frappera le personnage principal, avec les sentiments qui le perdront.

1870, au bord d’un lac suisse, traîne sa langueur le jeune Frederick Winterbourne (Barry Brown). Américain exilé de longue date en Europe, il a fait sien les codes du vieux Continent. Blasé et étriqué, il est comme décontenancé par le surgissement d’une créature tourbillonnante dans l’atmosphère paisible de la station thermale : Daisy Miller (Cybill Sheperd), jeune et sémillante américaine, faisant le grand tour touristique de l’Europe, accompagnée de sa mère et de son petit frère.

Étrange trio familial en vérité, si Daisy est volubile et pimpante, son frère est un enfant aussi étrange que provocateur, quant à leur génitrice, elle semble assez à l’ouest (ce qui n’est géographiquement pas absurde).

Débordé par la personnalité de la jeune américaine, mais irrémédiablement séduit, Frederick va entreprendre de la rejoindre ensuite à Rome, où elle poursuit son périple.

Adaptation d’une nouvelle d’Henry James, le film donne à symboliquement penser le rapport que pouvait avoir l’Europe avec la jeune Amérique du Nord, par la personnalité des deux principaux caractères.

Daisy a tout de la vitalité fatale d’une jeune femme apparemment sûre de son charme et de sa beauté. Frederick, européanisé de longue date, ne peut s’empêcher de trouver son comportement quelque peu inadapté aux mœurs guindées devenues les siennes, mais ne résiste pas au tourbillon qui s’est abattu sur lui.

Las, la pimprenelle se joue de lui et de sa raideur, alternant le chaud et le froid, le bombardant de signaux en apparence contradictoires, aggravant sa confusion.

Il la suit partout, au risque de la mise à l’écart sociale, tout en persistant dans une incapacité d’agir, comme un lièvre pris dans les phares.

Cette inertie romantique lui sera évidemment fatale, il est vrai qu’on n’écrivait rarement sur les amours heureux au 19ème siècle (et cela existe-t-il d’ailleurs ?).

Peter Bogdanovich eut les plus grandes peines à tourner l’ultime scène de ce film, le racontant encore les larmes aux yeux des années plus tard.

Après avoir été charmé et transporté par la crinoline, à l’instar du protagoniste, on y est en effet soudainement saisi par une terrible mélancolie, celle d’une vie qui a passé dans la timidité d’être vécue.

Sébastien Bourdon

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