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I ain’t gonna play Sun City

« Come back, Africa » Lionel Rogosin (1959)

jeudi 2 décembre 2010, par Sébastien Bourdon

Pourquoi aller au ciné-club ? Il sort tellement de films ! Peut-être pour empêcher un court instant l’inexorable oubli des images du passé. Si je m’assieds dans cette salle, il me semble que les figures disparues reprennent vie, avant de disparaître à nouveau.

Et puis, l’on reçoit tous les jours tellement de leçons de vie, je préfère me voir dispenser des leçons de cinéma.

Lionel Rogosin était un new-yorkais qui envisageait le cinéma comme un outil pour évoquer des sujets qui lui tenaient à cœur (la misère du monde). Cinéaste méconnu et pourtant important, il a ainsi droit à quelques lignes dans les livres d’histoire du cinéma alors qu’il a été revendiqué comme une influence majeure par des gens comme Cassavetes (ce qui se voit à l’écran).

Pour réaliser le film ici évoqué, après avoir appris comment fonctionnait une caméra, il a emmené sa femme en voyage de noces en Afrique du Sud, l’objet réel du voyage étant de filmer clandestinement la vie des gens au temps de l’apartheid. Il a ainsi, dans des conditions de tournage clandestines particulièrement difficiles, recruté des locaux et tourné une fiction (dépassée par la réalité n’est-ce pas). L’histoire est simple comme l’éternelle damnation de la classe ouvrière : un noir de la campagne tente de trouver du travail à Johannesburg et, dans cette quête, se heurte aussi bien au racisme quotidien qu’à la violence du ghetto (Sophiatown). Bref, ça commence mal, ça se passe mal, ça finit mal.

Pourtant, le film respire. Par la musique d’abord, dans le film s’intercalent de très beaux moments musicaux, volés aux musiciens de rue ou surgissant au détour d’une scène. L’on écoute ainsi Myriam Makeba, future grande vedette de la musique locale, qui se met à chanter au cours d’une soirée. Cela m’a fait penser à l’intervention de Caetano Veloso dans « Parle avec elle » de Pedro Almodovar. Face à la violence et à l’absurdité, pourquoi ne pas chanter finalement.

Ensuite, l’on rit quand même un peu (bon, vraiment un peu) mais surtout on ne s’interdit pas de penser, les personnages comme les spectateurs. Film militant qui se refuse à tout manichéisme et à toute emphase, c’est de la violence sèche comme la poussière sur le sol.

Dans un genre radicalement différent, nous avons vu un des blockbusters du moment, « Potiche » de François Ozon. L’opus, qui ne se noie pas dans son propre kitsch, s’est révélé être drôle et même touchant, sans oublier de faire œuvre de cinéma. Que demande le peuple ?

Catherine Deneuve est une des plus grandes actrices du monde puisqu’elle joue le rôle principal de « La sirène du Mississipi » (François Truffaut – 1969). En revanche, comme actrice comique susceptible d’engendrer l’hilarité, j’étais sceptique. Or, dès son apparition à l’écran, en survêtement en train de faire son jogging (ou l’inverse), impossible de ne pas rire.

Ensuite, ce n’est pas qu’un film amusant, esthétiquement très travaillé. Le casting est impeccable (Karin Viard est hilarante et porte admirablement le soutien-gorge obus en armature acier). Surtout, Depardieu et Deneuve, figures inévitables de notre cinéma national, sont admirablement mis en valeur et tels de grands musiciens, jouent leur partition avec talent et grâce. Couple sublime du « Dernier métro » (encore Truffaut, on a ses obsessions – 1980), ils se sont un peu gâchés en vieillissant, entre mauvais films et publicités pour des banques ou des pâtes. Ils ont également connu des choses épouvantables, la mort d’un mari, d’un fils… Or, le film d’une manière extrêmement mélancolique et émouvante, nous ramène à ce qu’ils ont été, des jeunesses fougueuses et intransigeantes. Devenus trop gros, trop liftés, Ozon leur restitue quand même leur profonde beauté, avec délicatesse et respect. Cette tendre évocation du temps qui passe, j’en ai eu un peu les larmes aux yeux. Ou bien était-ce ce froid qui pique un peu les yeux.

Sébastien

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