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Harvester of Sorrow

« Les Moissons du Ciel » de Terrence Malick (« Days of Heaven » - 1979)

mardi 18 janvier 2011, par Sébastien Bourdon

En arrivant au cinéma l’autre soir, était affiché en grand dans l’entrée le thème de réflexion d’une artiste en résidence à l’espace 1789 (Olivia Rosenthal) : « quel film a changé votre vie ? »

Sacrée question, il m’est venu deux films spontanément : « « La loi du silence » de Hitchcock et « La chambre verte » de Truffaut. Ce n’est pas l’objet de la chronique, alors je ne vais pas m’appesantir, mais je suis simplement rendu compte en les visionnant à l’époque (en cassette VHS) que le cinéma était à un outil à même de participer à la réflexion sur l’existence, au même titre que la littérature : d’un choix impossible (Hitchcock) à une manière obsessionnelle et poétique de cultiver la mémoire des défunts (Truffaut). En réfléchissant à cela, je me suis rendu compte que, plus que ma vie, ces films avaient surtout contribué à changer ma vision du cinéma. Mais finalement, le serpent se mord la queue puisque cette constatation a changé ma vie.

D’ailleurs me voilà à nouveau au ciné-club un jeudi soir, si je suis venu seul, la salle est ce soir bien remplie, le film de Terrence Malick ne perdant pas avec le temps sa capacité d’attraction. L’on croisait même quelques djeun’s à survêtement. La partie féminine de ce public ne cessera toute la séance de consulter ses appareils mobiles, imaginant peut-être y trouver des informations plus importantes sur le monde que le film projeté sur l’écran.

Après un très beau générique fait de photographies de l’Amérique du début du XXème siècle sur fond du « Carnaval des animaux » de Saint-Saëns, nous voilà tout de suite charmés comme toujours par la miraculeuse photographie du cinéma américain de cette époque. Quoique, si le film est américain, la photographie a été conçue par cet espagnol francophile qu’est le Directeur de la photographie Nestor Almendros (Truffaut, Rohmer,…).

Drôle d’histoire que le tournage de ce film, Malick ayant décidé de ne tourner que durant « l’heure bleue », c’est-à-dire un tout petit peu avant le coucher du soleil, soit sur une période de moins d’une heure par jour. Il va de soi qu’avec de telles exigences esthétiques, l’équipe de tournage a pu se faire quelques cheveux blancs, des techniciens aux acteurs, en passant par les producteurs.

Drôle de film également. Malick semble se désintéresser de l’histoire et des personnages, pour se focaliser – le terme emprunté à la photographie me semble on ne plus approprié – sur les atmosphères, la lumière et la vie animale foisonnante, à côté du bruit et de la fureur humaine. Il y a bien une très belle voix-off, celle de la petite fille, qui donne une continuité à l’histoire, mais ses propos ne sont pas forcément en adéquation avec l’image, même si révélant quelque peu la réalité des intentions des personnages et les liens naissant ou existant entre eux.

Les inserts de moments de vie animale dans le film est un procédé un peu systématique chez Malick et je l’ai trouvé un peu moins réussi que dans d’autres opus, comme le plus récent « La Ligne Rouge » (1998). Reste que c’est quand même assez beau et relève quand même plus de l’intention cinématographique que du reportage animalier. L’auteur s’inscrit dans la tradition américaine du grand espace vu comme un jardin d’Eden dans lequel l’homme ne fait qu’un passage.

Ce souci esthétique et cette volonté très personnelle de narrer une histoire ont fait de Malick un cinéaste peu prolixe puisqu’il n’a commis que cinq films (peut-être bientôt six) en près de 40 ans et qui avait même, devant l’échec commercial des « Moissons du Ciel », choisi de disparaître pendant vingt ans, ce qui pour un artiste qui fabrique des œuvres coûteuses aurait pu être suicidaire. Pourtant, à l’abri des médias, à son rythme, il tourne toujours.

Beau film, parfois un peu souffrant (Richard Gere est comme l’on peut s’y attendre insipide), il n’en laisse pas moins une sensation émouvante d’une beauté intrinsèque que rien n’efface et qui partout ressurgit.

Sébastien

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