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« Fish Tank » de Andrea Arnold

lundi 19 octobre 2009, par Sébastien Bourdon

California Dreamin’

Dans je ne sais plus quel canard, je lisais l’autre jour que l’Angleterre arrivait bonne dernière des pays d’Europe « où il fait bon vivre ». Fish Tank permet de le vérifier.

Ca se passe dans les cités de l’Essex. Et plus merdique comme vie, c’est le Sahel. Mia (Katie Jarvis), 15 ans, vit à plein l’horreur occidentale, enfermée dans un HLM sordide, entourée de nazes et d’ivrognes (ainsi, sa mère, Kierston Wareing, est une catastrophe... mais une sacrée MILF quand même). On voit Mia plusieurs fois se réveiller, juste parce que les échos de sa misérable vie viennent la tirer brutalement de son sommeil. Et on se dit que de tels réveils, ce n’est pas humain.

La jeune fille des cités de l’Essex ou de la Seine Saint-Denis porte souvent l’uniforme survêt’ tennis. Tenue grise et neutre, mais surtout tenue pour bouger, courir, être un corps toujours mouvant. Mia ne s’arrête que rarement, se cognant en permanence aux vitres de son aquarium, sans que jamais cela ne l’arrête. Elle s’effondre si peu, s’abandonne rarement, sauf dans des moments d’une infinie sensualité (des scènes dont la douceur quasi érotique m’ont fait penser à My Summer of Love de Pawel Pawlikovski). En plus d’une photographie impeccable, une utilisation extrêmement ténue du ralenti (de l’image, mais pas du son), nous donnent accès à la sensation, comme si on y était. Les filles, vous me confirmerez le cas échéant, mais sur le désir féminin, il m’a semblé qu’on était au plus près.

En plus, l’objet du désir est l’impeccable Michaël Fassbender que d’aucuns auront pu repérer dans Inglorious Baterds de Tarantino. Aux soupirs dans la salle, je dirai qu’il porte admirablement le jean taille basse. En plus, il pêche à mains nues dans la rivière, c’est beau comme du Renoir.

Mia danse, avec la même énergie butée, mais avec si peu de grâce qu’elle en devient profondément touchante. Elle y croit pourtant, y voit une chance de s’en sortir, mais le spectateur, même peu au fait de la danse hip-hop, se rend bien compte que c’est aussi vain que ses tentatives absurdes de libérer une vieille jument à l’agonie. Définitivement, ce n’est pas Flashdance, bienvenue dans le 21ème siècle.

Les jeunes filles sont des armes de destruction massive qui s’ignorent. On est en plein dedans. Dans cette colère justifiée contre la vie en général, Mia refuse qu’on la prive du peu de bonheur qu’elle ait connu et sa rage explosive semble alors n’avoir pas de limites (ce qui donne notamment au film une scène à l’intensité hitchcockienne insoutenable, je me suis accroché à mon fauteuil, la respiration bloquée, espérant que ça cesse et de préférence que ça finisse pas trop mal).

Le calice bu jusqu’à la lie, la tentative de fuite s’impose. Fish Tank est un grand film, social sans misérabilisme et avec de vraies intentions esthétiques qui ne nuisent pas au projet (prix du jury Cannes 2009, mérité). Il semble que l’on ne sache pas réaliser ce genre de choses dans nos contrées (en Belgique un peu plus, « Rosetta » des frères Dardenne par exemple), mais je n’ai pas vu le « prophète » alors je n’en suis point certain.

Sébastien Bourdon

P.S. Bobby Womack écrit définitivement des chansons impeccables pour le cinéma, après « Accross 110th street », « California Dreamin’ » fait une parfaite bande son de l’initiation à la sensualité chez une jeune fille gavée de hip-hop et de R n’ B.

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