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« Manon » de Henri-Georges Clouzot (1949)

mercredi 6 août 2025, par Sébastien Bourdon

Idylle Fatale

Un grand réalisateur est un être humain comme les autres, il lui arrive de se planter.

« Manon » n’est pas souvent cité dans les gazettes pour évoquer la grandeur du cinéma de Clouzot, et après l’avoir vu, cela s’explique.

Si le film a obtenu le Lion d’Or à la Mostra de Venise en 1949, sa vision est aujourd’hui assez difficile, ne serait-ce que parce qu’il semble terriblement long (alors qu’il ne l’est pas : 100 minutes).

Adaptation assez freestyle du « Manon Lescaut  » de l’abbé Prevost (1731), l’œuvre fait globalement fi de l’anachronisme au service d’une démonstration somme toute assez misogyne.

Après la deuxième guerre (le tournage du film est contemporain des événements qu’il décrit), dans un bateau en route pour la Palestine avec à son bord des réfugiés juifs entendant s’y établir, sont découverts deux clandestins : Robert Desgrieux (Michel Auclair) et Manon Lescaut (Cécile Aubry).

Le capitaine découvre que l’homme fuit la police après un meurtre, mais sympathise néanmoins avec le couple au point qu’ils lui racontent leur histoire.

Retour en arrière, derniers combats de la Résistance : Robert, FFI convaincu, sauve Manon d’une tonte certaine. Ils partent tous les deux à Paris retrouver le frère de cette dernière (Serge Reggiani), gigolo interlope.

À partir de là, le récit s’étire entre aspirations de l’un à une vie paisible en province et refus de la misère paternaliste de l’autre, Manon préférant s’abrutir d’une vie luxueuse et frivole (la finançant par la prostitution et le marché noir).

Le couple est passionnel, chacun tirant dans une direction contraire, mais se retrouvant parfois, lui s’effondrant régulièrement à ses pieds, quelque cruel ait pu être le traitement qu’elle lui a fait subir.

Problème, et ce n’est pas le seul, la répétition des situations et la faiblesse de jeu des deux protagonistes ne permet jamais d’adhérer à ce qui se passe, censément tragique et déchirant.

Cécile Aubry doit incarner une blonde sexy et cruelle, aimante malgré tout, mais ne parvient jamais à donner autre chose qu’une vision caricaturale assez détestable de la gent féminine : fardée en toutes circonstances, minaudant lourdement, trahissant un goût fondamental et destructeur pour l’artifice et le superficiel.

Cette actrice deviendra surtout célèbre comme… écrivain, créant la fameuse saga « Belle et Sébastien ».

Quant à Michel Auclair, il s’améliorera en vieillissant, s’illustrant dans des rôles d’homme semblant revenu de tout dans des polars chez Rouffio ou Deray.

On sauvera la dernière partie, dans le désert, où le noir et blanc fait des merveilles, et où l’atmosphère quasi pasolinienne rappelle que Clouzot savait tenir une caméra.

Sébastien Bourdon

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