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Best Served Cold

PRONG, le Nouveau Casino, le 4 avril 2014

mardi 8 avril 2014, par Sébastien Bourdon

Jeune lecteur si tu existes, sache qu’autrefois en France, pour découvrir des groupes de rock bruyant, il fallait regarder M6 le dimanche, tard dans la nuit. Si, par extraordinaire, l’on était un étudiant soucieux de rester frais le lundi matin, il suffisait de programmer son magnétoscope et on se retrouvait le lendemain avec quelques heures de clips à visionner durant la semaine. C’est ainsi que j’ai découvert Prong, avec le clip de « Snap Your Fingers, Snap Your Neck » (1994). Sans être féru de métal industriel, il était difficile de ne pas avoir envie d’onduler joyeusement sur cette ligne de basse sinueuse, enrobée de riffs acérés.

Après avoir connu un succès grandissant depuis 1986, ce groupe - trio surtout porté par le guitariste et chanteur Tommy Victor - sortait l’album « Rude Awakening » (1996). Ce dernier disque marquait une présence plus importante de sonorités électroniques, accentuant le côté assez dansant de Prong, mais ne rencontra pas franchement son public, poussant le groupe à jeter l’éponge. Prong était donc un peu sorti des radars lorsqu’il réapparut en 2002, reprenant les choses là où il les avait laissées, mais faisant montre d’une pertinence restée indiscutable.

J’étais curieux de voir enfin ce groupe en concert, l’ayant notamment raté au Hellfest où il s’était produit aux alentours de midi, donc un peu tôt pour notre programme chargé, et ce d’autant que la prestation de Tommy Victor avec Danzig durant le même festival avait été impressionnante de vitalité.

Rejoindre la salle du Nouveau Casino à vélo en ce vendredi soir d’un printemps presque estival, mais où le fond de l’air reste frais, s’est révélé une aventure inhabituellement pénible, dans un Paris encombré et bruyant. De la sortie des bureaux du huitième, en passant par le bal de Polytechnique à l’Opéra, jusqu’à la ruée vers les bars de la Bastille, tout le monde était de sortie, il a fallu beaucoup slalomer dans cet enfer pour cyclistes.

Arrivé dans la salle, se produisait déjà la première partie, un groupe dénommé KLOGR. Musicalement point déplaisant, mais avec une voix un peu en deçà, sonnant imparfaitement dans les graves comme les aigus. Au surplus, difficile de ne pas souffrir de certains refrains à la limite du tolérable, dont j’imagine que nos artistes les voulaient à même d’aérer de leur musique, mais qui sonnaient en réalité bien trop néo métal. Tout le monde n’est pas Prong justement...

Au Nouveau Casino ce soir, l’on vérifie qu’avoir été jeune dans les années 90 revient à ne plus l’être tellement aujourd’hui, on note ainsi des cheveux plus si longs quand il en reste (des cheveux), des couples et même des enfants. Mais sitôt Prong sur scène, le public se révélera moins assagi qu’il n’y paraît et la fosse devient vite très sautillante. Las, sortir du bureau pour aller directement au concert, c’est avoir des chaussures inadaptées. Je m’écarte un peu pour ne point trop risquer de ruiner mes pompes et d’être couvert de bière (sans en boire ou presque), mais qu’importe, la musique est sacrément bonne !

Le groupe joue carré, propre et tendu. Comme sur disque, Prong ne semble avoir conservé du métal que les riffs assassins pour se reposer surtout sur le groove, même si l’abandonnant parfois pour de mortelles accélérations (le batteur du moment en fait d’ailleurs peut-être un peu trop). Il s’agit indéniablement d’une musique mal aimable, relativement froide, mais dont le caractère dansant est à même de produire une saveur singulière. Le set filera à grande vitesse, face à un public de plus en plus enthousiaste, selon Tommy Victor, nous avons été les meilleurs sur la tournée (on nous la fait si souvent celle-là, doit-on encore y croire ?).

A l’issue du concert, le leader s’installer derrière le stand de merchandising pour une petite séance de dédicace. Bien qu’ayant déjà acquis le tee-shirt, j’y retourne évidemment pour acheter un album live (« Unleashed in the West – Live in Berlin ») et obtenir une jolie signature dessus (avec mon prénom !). Tommy Victor, lors de notre rapide conversation, se révèle à la fois intelligent et plein d’humour, ce qui ne surprend guère.

Je quitte les lieux sur mon vélo pour une longue promenade noctambule jusqu’à mes pénates proche-banlieusardes. De la rue d’Oberkampf, envahie par une foule bigarrée assoiffée de joies nocturnes, en passant par Stalingrad et ses dealers à capuche, comme surgis d’un épisode de « The Wire », pour finir sur les maréchaux avec les tristes filles de joie. Un Paris de fête et de misère, violent et funky comme un titre de Prong.

Sébastien

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