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And justice for all

« Please, Continue (Hamlet) » de Roger Bernat et Yan Duyvendak – Espace 1789, le 15 mai 2014

samedi 17 mai 2014, par Sébastien Bourdon

L’objet de cette pièce contemporaine est de restituer au plus près possible la réalité du déroulé d’un procès d’assises. Pour ce faire, les auteurs se sont inspirés à la fois d’un fait-divers réel, et d’une fiction universelle (je vous laisse le soin de deviner laquelle). Pour se colleter encore un peu plus au réel, les trois acteurs professionnels interprétant Hamlet, Ophélie et Gertrude sont entourés tous les soirs de professionnels de la justice dans l’exercice de leur propre rôle et sous leur réelle identité (du Président de la cour à l’expert-psychiatre).

Autant l’avouer tout de suite, j’avais été sollicité pour faire l’avocat (enfin un des deux, celui du prévenu, Hamlet, ou de la partie civile, Ophélie). J’ai décliné, ça doit être l’âge, me jugeant insuffisamment au fait des subtilités de la procédure pénale et du procès d’assises. J’ai en revanche proposé les services de mon ami et Confrère Julien Dreyfus qui s’est fort bien acquitté de cette tâche, animant le procès avec un beau professionnalisme. De ce fait parler du spectacle est délicat, je n’ai pu m’empêcher tout du long de me dire, à sa place, qu’aurais-je fait ?

Le regard du professionnel du droit est en effet un peu biaisé durant la pièce. Nous ne sommes point candides à l’exposition de cette justice à la fois fictive et fort bien restituée dans sa trivialité. Du coup, une forme d’ennui peut nous gagner, doublée d’une relative lassitude, à l’exposition à l’exposition de vicissitudes connues et rabâchées. Ainsi, lorsqu’il fallut à de nombreuses reprises nous lever de nos sièges aux entrées et sorties de la Cour sur la scène, obligation me rappelant tant d’audiences passées et à venir. Difficile d’être un bon spectateur lorsqu’on a l’habitude d’être acteur.

Peu de choses sont escamotées et ce afin de nous donner le moins possible un sentiment de spectacle. Tout le cérémonial judiciaire est respecté, avec sa gravité, et pour la forme, les lumières de la salle sont allumées et les côtés de la scène également occupés par des estrades emplies de spectateurs. Rien n’est écrit à l’avance et les avocats se sont vus remettre la veille un dossier pénal en bonne et due forme, même si peu épais. Chacun y va donc de sa partition habituelle, comme en situation réelle, si ce n’est que personne ce soir ne dormira sous les verrous.

Les comédiens font quant à eux le job, sans flamboyance et relativement crûment. En réalité, on jetterait bien Hamlet en prison, mais surtout parce que c’est un abruti. Si cela suffisait à embastiller, cela en ferait du monde dans nos prisons déjà surpeuplées, n’est-ce pas. Le criminel, à l’instar de notre Hamlet des cités défavorisées, est rarement flamboyant, il est même souvent pathétique, et ici il ne suscite même aucune empathie, aussi victime soit-il de sa famille dysfonctionnelle et de la cruauté de l’existence.

En avançant, ce spectacle assez long tout de même (quatre heures, avec les pauses ad hoc), produit finalement sur les spectateurs une saine sensation de malaise. Chacun peut ici comprendre et réellement percevoir combien il est difficile de défendre ou juger autrui et ce d’autant que huit d’entre nous seront tirés au sort pour faire office de jurés à l’issue des plaidoiries. En cela, cette pièce fait œuvre didactique et de manière assez réussie, renvoyant chacun à son humanité et à ce qu’elle comporte justement d’inhumain.

Sébastien

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