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Agnus Dei

« The Tree of Life » de Terrence Malick

vendredi 8 juillet 2011, par Sébastien Bourdon

En m’asseyant dans la salle, seul, attendant ma dulcinée, je me suis dit que je bavarderai bien avec mes voisins, pour passer le temps. Et puis tout à coup, j’ai réalisé que la vie n’est pas un concert de metal et que les humains, quand ils ne se connaissent pas, ne se parlent pas.

J’avais beaucoup hésité à aller voir ce film, me disant que cela pouvait être aussi bien un chef d’œuvre qu’un pensum écolo-new age. Pire encore, il pouvait s’agir d’une célébration à peine déguisée de la foi chrétienne, un opus ramenant « Des Hommes et des Dieux » à un film de Dario Argento. Et ce d’autant que Terrence Malick peut aisément virer à l’emphase, ce qui peut se révéler agaçant, mais aussi parce que je sais en moi une tendance à la larme facile et à la sensiblerie. Mais je lutte.

Et puis, la vie quotidienne et ses tracas, les inquiétudes de l’âme face au temps qui passe, peuvent éveiller comme une envie d’élévation et l’on est en droit d’imaginer que ce film serait à même d’apporter une telle évasion.

Or, toutes mes inquiétudes se sont avérées fondées et il semble tout à fait envisageable pour un spectateur exigeant de sortir de la salle, exaspéré par le film. Tout y est, les réflexions mystiques lourdingues (mon Dieu, pourquoi es-tu si cruel ?) sur des images qui ne dépareraient parfois pas dans une publicité pour des assurances ou une banque.

Mais on peut aussi trouver cela magnifique. Parce que Terrence Malick est un cinéaste, cela ne peut être contesté. Lentement, mais sûrement, il poursuit un rêve de film et ce dernier en date est sans doute celui qui y ressemble le plus, en attendant le prochain. J’ai ainsi été stupéfait par l’ouverture du film. On est plongé dans un mouvement, on saute d’un lieu à un autre, en avant et en arrière du temps, mais l’ensemble reste compréhensible. On comprend qu’un enfant est mort au sein d’une famille typique de la bourgeoise américaine des années 50. Comment, pourquoi, on n’en saura rien. Plus tard, le film remontera le fil de leurs existences avant le drame, avec comme film conducteur et principal protagoniste le premier né, enfant magnifique et sauvage, incompris des siens (interprété adulte par Sean Penn, lorsque le film fait quelques brusques et énigmatiques bonds en avant dans le temps).

Après la disparition traitée de manière très elliptique (comme à peu près toute l’histoire), le film se lance alors dans une impossible quête, rien de moins que décrire la naissance du monde, du big bang à l’apparition de la vie. Ce grand écart se fait assez naturellement car l’on peut sans doute voir la perte d’un enfant comme relevant de la sensation cosmique, quelque chose qui ramène l’homme à son existence et à sa fragilité la plus primaire. Quand le nécessaire réflexe de survie de l’espèce se joint l’affliction la plus profonde. Dans un tel contexte, évoquer le surgissement du vivant et son évolution n’est finalement pas si incongru.

Malick a toujours filmé la vie autour d’un film, faisant d’accidents de tournage la matière même de son travail. Ici, il pousse cette logique à son maximum, ce qui compte c’est le grand tout au sein duquel les humains s’agitent, sans que cela soit toutefois vain. C’est un mouvement d’ensemble auquel les hommes participent, sans y comprendre grand-chose. A l’évidence, le film a été tourné ainsi, avec un réalisateur deus ex machina, laissant ses acteurs vivre devant la caméra.

La foi est là, mais si elle n’explique pas la souffrance, elle justifie pour le réalisateur l’implacable beauté du monde.

Tout cela fait que ce film est à la fois lourd et léger, et j’ai peiné à déterminer laquelle des deux sensations l’emportait le plus souvent (sans jamais m’ennuyer toutefois). Le problème majeur réside peut-être dans le trop grand esthétisme du film. C’est parfois beau à en étouffer (musique, voix off et je ne parle pas de Jessica Chastain qui est, justement, un ange). Mais là aussi, est-ce une raison de se plaindre ?

Sébastien

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