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Zombi Woof

« The Walking Dead » série télévisée, adaptée du Comics par Frank Darabont et Robert Kirkman (AMC)

mardi 28 octobre 2014, par Sébastien Bourdon

A quel moment cesse-t-on de boire pour apprécier le vin, mais pour n’en apprécier que l’euphorie qu’il produit, la joie de s’y perdre ? Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse, on en est parfois là. Il en est peut-être ainsi de certains spectacles, films ou disques qui semblent annihiler l’idée même d’esprit critique. Et puis, de toute façon, comment rester objectif lorsque l’on est autant emporté ?

Voilà un bien long développement pour en arriver à s’interroger sur la série télévisée à succès du moment : « The Walking Dead ». Je résume le pitch pour ma mère si elle me lit : de nos jours, hier ou demain, une épidémie a dévasté la planète et les quelques survivants restants passent leur journée à se battre aussi bien avec leurs semblables souvent déshumanisés qu’avec des hordes de zombies (qu’on ne peut éliminer totalement qu’en leur tirant dans la tête). Voilà donc quatre saisons que des millions de spectateurs se retrouvent accrochés à leur écran pour suivre les pérégrinations de cette troupe disparate de résistants qui conservent un semblant d’humanité, ce qui, il faut bien le reconnaître, relève d’une sacrée gageure dans cet univers terrifiant.

Comment ne pas s’interroger quand on en vient à apprécier sans retenue, comme tout le monde ou presque, une série qui rencontre un tel succès. Et mon élitisme chevillé au corps, mon goût de l’acerbe et ma mauvaise foi, se seraient-ils envolés, comme annihilés par une efficacité toute américaine ?

Essayons de se livrer à un tel exercice critique, au moins un peu. Par exemple, pour faire le littérateur, on pourrait affirmer que l’œuvre trahit la bande dessinée d’origine (du même auteur, Robert Kirkman), mais même cette voie là n’est pas ouverte puisque la série télévisée est infiniment plus subtile et complexe. Ainsi, le bouquin accumule surtout les scènes horrifiques, quand l’adaptation pour le petit écran s’attarde finalement plus sur la psyché des personnages et les sentiments qui les animent. Au surplus, avec je ne sais même plus combien de tomes, le comics tourne un peu en rond, réinventant des personnages de « méchants » déjà exploités (le « Gouverneur » et ses avatars en quelque sorte), et semble conduire une course à l’abominable qui amène à décrocher de la lecture, gagné par la lassitude plus que par le dégoût.

On peut déceler une seule critique évidente toutefois, celle du puriste : la série trahit quelque peu le concept du zombie tel que développé dans les films de Georges Romero. Le mort-vivant y est vu comme une ultime étape du consommateur américain, réduit à errer sans fin dans les supermarchés par une sorte de réflexe pavlovien (« Zombi » 1978), ou synthétisant tous les damnés de la Terre, du noir victime de la ségrégation (« La Nuit des Morts Vivants » 1970) aux obscurs et sans-grades ostracisés et enfermés dans un ghetto (« Land of the Dead » 2005).

Rien n’y fait, même conscient de certains aspects manichéens ou grandiloquents, de l’exaltation parfois un peu outrée des valeurs de la famille traditionnelle et des armes à feu, on ne décroche pas de ces aventures de fin du monde, même si plus putassières et télévisées.

Nous voilà donc à nouveau devant notre écran, sitôt la nouvelle saison parue en DVD (nous en sommes à la quatrième), totalement absorbés par chaque épisode, n’attendant que le suivant, dans une soif inextinguible de savoir ce qui va se passer ensuite.

On retrouve parfois un peu de discernement (mais en a t’on besoin, je vous le demande) quand certains acteurs brillent par une incompétence certaine à exercer leur art. Comme si jouer faux ramenait cet univers post apocalyptique invraisemblable à ce qu’il est, justement, invraisemblable. Quoique, il est si facile de croire à la possible survenance d’un tel monde, ou plus exactement d’une telle fin de monde. Il suffit d’écouter les nouvelles, entre Ebola et probable disparition du système capitaliste tel que nous le connaissons, irrémédiablement condamné par son utilisation frénétique de ressources fossiles périssables sur une planète fragile. Il ne faudrait pas grand-chose pour éradiquer le vernis civilisateur et revenir à des âges farouches.

Tout a donc une fin et elle n’est pas forcément très gaie nous préviennent les auteurs de cette série. Avec ce constat un peu éculé, la chaîne AMC rassemble habilement des millions de spectateurs, dont votre serviteur béat. Quoi de plus hypnotisant que ces défunts doués d’une sorte de vie, effrayante et misérable, qui continuent à arpenter la Terre, tant que leur tête, si l’on peut dire, marche encore. Et tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir non ?

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