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Zappa plays Zappa

Olympia le 18 mai 2009

mercredi 20 mai 2009, par Sébastien Bourdon

Frank Zappa est mort le 4 décembre 1993, à 52 ans. Mais avec une foule de musiciens, durant cette trop courte vie, il a réussi à pondre pas moins de 70 albums d’une musique unique. Et sa musique sent encore très bon, croyez-moi et que son fils Dweezil (guitare, chant) soit remercié de nous le rappeler. Au cas où.

Je ne suis pas spécialiste de Zappa, je veux dire sur les 70 albums, j’en ai genre 10. J’ai même découvert les fils Zappa (Dweezil et Ahmet) avant leur père, avec leur album « Z ». Mais voilà, tout ce que j’aime de plus expérimental, de Mr Bungle aux Bad Plus, en vient au moins un peu.

Et puis cette histoire de père et de fils, c’est assez beau. Je ne sais pas ce qu’a fait de sa vie, au hasard, le fils de Gabriel Fauré, toujours est-il qu’on écoute encore le père (et on fait bien). S’agissant de Dweezil, guitariste doué qui a perdu son père trop tôt, que faire d’autre à sa place que d’empoigner cet instrument comme un flambeau qui chasserait la nuit, l’oubli et la mort. Ce n’est pas exploiter un filon, c’est célébrer toujours et encore une musique incroyablement vivante.

C’était finalement très émouvant que d’entendre Frank Zappa revivre avec son fils dans « Zombie Woof ». Pour mémoire, l’album Hot Rats sorti en 1969 était dédié à son fils Dweezil. Il contient le morceau « Peaches En Regalia » qui a eu un Grammy Award cette année dans la catégorie « Best Rock Instrumental » ( ?). Il en a pleuré en cherchant le titre Dweezil.

Hier soir à l’Olympia, nous avons assisté à une incroyable réunion d’hommes musique (cf. ma chronique 2032 sur John Zorn et les siens). La comparaison avec John Zorn s’impose puisque si on reste, dans le principe, un peu dans le rock et le jazz, on est quand même face à des gens qui déploient un inhabituel bagage technique phénoménal avec une aisance qui scie littéralement les misérables cloportes que nous sommes, tout juste titulaires de diplômes accessibles à la lie de l’humanité.

Donc, c’est un peu comme John Zorn, c’est d’une inventivité délirante, d’une folie de tous les instants, mais en plus on rigole. Frank Zappa était un agitateur d’idées et sa musique en est le strict reflet. Pour la jouer, soyons clairs, il faut être balèze et pour l’écouter, il faut être ouvert et attentif. La clé pour y entrer est peut-être justement l’humour.

Les textes sont donc absurdes et drôles (« Don’t eat the yellow snow », « Don’t you ever wash that thing », ce genre quoi). Mais finalement, ce côté technique très démonstratif, ce nombre et ce découpage de mesures abscons, ces mises en place délirantes, cette complexité insensée dans laquelle se glisse toujours la musique, nous impressionnent, mais aussi dessinent sur nos visages rien de moins que des sourires béats.

Il y a du sexe aussi, on en parle beaucoup et de préférence dans la joie. La faramineuse équipe de musiciens comprend ainsi une certaine Scheila Gonzalez qui chante (de toute façon, tout le monde chante, en plus de l’extraordinaire jeune et nouveau chanteur présent), assure les claviers, mais également joue de la flûte et du saxophone, et tout ça pas vraiment en amateur. Elle n’oublie également pas de chalouper en rythme. Bref, une dextérité musicale incroyable, mais également des seins libres sous un chemisier très échancré.

Tout est dit, de la musique, du rire et du sexe. On joue la musique d’un mort, mais on célèbre la vie.

C’est ainsi que lors de ce show de musique savante, on peut inviter des gens à danser sur scène (sur « Chunga’s Revenge »), quatre garçons, quatre filles, pour une sorte d’atelier dansant complètement échevelé. Soyons raisonnables, les participants n’étaient pas du genre sexy (plus prof de maths que « hippie chic avec le must have culte du moment », voyez-vous), mais c’était joyeux et drôle, on se serait cru en 1969.

Et puis encore la musique (et beaucoup de guitare !!!). Un son sublime, des musiciens proprement hallucinants, quel plaisir que de voir un orchestre comme une machine aussi rutilante, qui démarre au quart de tour, jamais ne dévie et parfois même, sous l’impulsion de Dweezil Zappa, lâche un peu la bride et donne toute l’expression de sa phénoménale puissance. Jamais l’auditeur ne se lasse, on était d’accord pour rester toute la nuit. Ainsi, ce long solo guitare/batterie à la suite de « Willie The Pimp », tout en questions/réponses, avec les autres musiciens qui dansent et semblent prendre autant de plaisir que nous à l’écoute, je l’aurai bien vu durer deux heures. On a tous fini debout, dansant avec un groupe qui semblait ravi de notre réaction et promettant de revenir rapidement.

A la fin, le jeune bassiste chevelu nous a salués avec un poing sur lequel se sont dressés l’auriculaire et l’annulaire. On était définitivement en famille ce lundi soir.

A la fin, dans l’Olympia rallumé, à l’instar de Dweezil, on n’arrivait pas à partir, comme des couillons, debout, extatiques. Le fils Zappa alternait les poignées de main et les saluts au balcon.

Depuis deux jours, je ne cesse de siffloter « Peaches En Regalia » sur mon vélo.

Sébastien

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