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« Vous ne Désirez que Moi » de Claire Simon

samedi 12 février 2022, par Sébastien Bourdon

L’amant

Quelles voies impénétrables et mystérieuses suit le sentiment amoureux ? Comment un jeune homosexuel s’éprend éperdument de Marguerite Duras alors sexagénaire, jusqu’à presque s’auto-annihiler dans cette relation ?

Bien sûr, il y a la littérature, et tout doit lui être permis, mais elle est insuffisante ici à expliquer un tel attachement passionnel. Aimer les mots de l’écrivain ne pousse pas forcément à une adhésion fusionnelle à l’auteur.

Adaptation pour deux acteurs (Emmanuelle Devos et Swann Arlaud) des entretiens que donna Yann Andrea à la journaliste Michèle Manceaux en 1982, à Neauphle-le-Château, chez Duras, le film de Claire Simon est un documentaire qui se ferait cinéma (mais en conservant un dispositif essentiellement théâtral).

Si le film s’ouvre en musique, symboliquement, il n’existe justement que par la restitution de cette parole : pour que la voix des comédiens troue finalement le silence absolu qui s’est fait, il faut que le bouton « record » soit enclenché sur l’enregistreur à cassettes.

Lorsque l’on s’extrait du strict échange, des images viennent en contrepoint de celui qui parle et de celle qui essentiellement écoute. Le film ne cesse ainsi lui-même de dialoguer avec ses protagonistes, ajoutant ça et là détails qui relèvent de la re-création comme du réel. Ainsi de ces archives télévisuelles de Duras, toujours physiquement hors-champ dans la fiction, venant alors ajouter par sa propre parole plus d’éclairage encore sur sa personne (voire son personnage) et sur les propos de son compagnon.

Yann Andrea est réduit par la relation, mais grandi par l’amour, c’est ce qui le fait tenir debout dans ce rapport déséquilibré (du moins, en apparence, car ce qui pourrait effrayer Duras n’est qu’esquissé). Ses appétences, ses goûts, même sa sexualité, sont niés par Marguerite qui, impitoyable, veut gouverner son univers (cf. le titre du film). Mais avant même d’entrer dans sa vie, il la vénérait déjà, et ne rêvait que de la côtoyer, cette passion est donc une raison de vivre, cela rend la chose difficile à refuser.

Yann parle sans cesse, son verbe porte le film, donne à voir et à comprendre. Et pourtant, on peut parler tant et plus, raconter jusqu’à plus soif, la vision de ce qui se joue restera toujours parcellaire. Ce n’est pas la moindre élégance de ce film de rappeler que là-dedans, il y a toujours un mystère impénétrable.

Sébastien Bourdon

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