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« Viens Je t’emmène » d’Alain Guiraudie

vendredi 11 mars 2022, par Sébastien Bourdon

Médéric et les tribus

Quelque part sur les hauteurs de Clermont-Ferrand, Médéric (Jean-Charles Clichet), un jogger aux allures de Droopy, aborde une prostituée (Noémie Lvovsky) pour lui demander de « faire ça gratuit » parce qu’il est amoureux d’elle. S’ensuit un dialogue lunaire et drôle, puis plus tard une scène de sexe avec des acteurs ici particulièrement impliqués. Si l’élan du protagoniste avait de prime abord pu paraître terriblement romantique - même si un peu déconcertant - son appétit sexuel est réel, et produit de surcroît tous ses effets sur la promise.

Las, ces ébats enthousiastes sont interrompus par la nouvelle télévisée d’un attentat islamiste en ville (au pied de la statue de Vercingétorix), refroidissant d’un coup la prostituée au grand cœur.

S’ensuivent diverses péripéties, et notamment le surgissement d’un jeune maghrébin fugueur (Lliès Kadri) qui s’impose progressivement chez Médéric, quand bien même ce dernier s’inquiéterait quelque peu de son adhésion aux théories islamistes, et d’être même possiblement le troisième suspect recherché par la Police.

Synthétiser ce film n’est pas chose aisée. Alain Guiraudie semble prendre de front nombre de sujets contemporains délicats, mais ne cesse finalement que de les esquiver, tout en les dynamitant sans relâche.

Rien n’est fondamentalement blâmable chez autrui, et toutes les apparences sont trompeuses. La putain l’est par goût du sexe, elle refuse toutefois de tromper un mari qui pourtant n’hésite pas à la cogner, et finit par coucher avec d’autres dans un grand élan d’amour et de joie. L’algérien du dessus a peur du terrorisme islamique, n’aime pas que sa femme mette un foulard sur ses cheveux, mais lui a acheté un tchador (qu’elle ne porte pas) etc.

Le ton sans cesse décalé du film et ce refus apparent de toute analyse finit par produire une forme d’embarras. Tout cela n’est pas déplaisant, cet humour absurde produit son petit effet, mais que tirer de tout cela ? Personne n’est réellement ce qu’il semble être, ou du moins se refuse à la réduction des apparences, soit, mais les sujets abordés ne sont pas mineurs, et on aurait voulu en savoir plus sur le pourquoi du comment, sur le propos ou l’intention de l’auteur. Qui trop embrasse finit par peut-être mal étreindre...

Sébastien Bourdon

Messages

  • La réponse aux questions posées par Sébastien se trouve dans le roman que le même Alain Guiraudie a publié quelques mois avant la sortie du film, chez P.O.L. : Rabalaïre, monumental chef d’oeuvre, dans lequel on retrouvera tous les personnages évoqués ici, dans une complexité bien plus dense, laissant le lecteur dans une perplexité plus grande encore.

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