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« Valeur Sentimentale » de Joachim Trier

vendredi 5 septembre 2025, par Sébastien Bourdon

Accepter sa Douleur

Il est des ouvertures de film qui vous captivent immédiatement, et l’exercice est ici d’autant plus saisissant qu’il est en deux parties : une voix off accompagne une caméra qui arpente une belle demeure ancienne, faite de bois qu’a travaillé le temps, nous invitant à y entrer et à en découvrir la longue histoire.

De cet incipit majestueux, on passe soudainement à une séquence gouvernée par la tension, celle qui a gagné une de celles qui a habité ladite demeure, Nora (Renate Reinsve), au moment de grimper sur la scène du théâtre pour y interpréter un rôle principal.

Le ton glisse alors vers la comédie, dans un changement radical d’atmosphère, qui se reproduira plusieurs fois dans le film.

Alors que leur mère vient de mourir, Nora et Renate (Inga Ibsdotter Lilleaas) voient débarquer leur père (Stellan Skarsgård), cinéaste culte qui a surtout brillé avec elles par son absence et son inconstance.

C’est pourtant à Nora, la plus remontée des deux, qu’il va proposer le rôle principal d’un film qu’il a écrit pour elle, et qui devrait marquer son retour aux affaires derrière la caméra.

Nora l’envoie paître, et c’est vers une actrice hollywoodienne que son géniteur va alors se tourner pour la remplacer.

Le tournage du film se faisant dans la maison où tous les protagonistes ont passé leur enfance - la « valeur sentimentale » du titre - cela ravivera les conflits générationnels anciens, et réveillera jusqu’aux fantômes du passé.

Joachim Trier fait indéniablement du cinéma, et pas à moitié. Tout est ici pensé et pesé, la photographie est admirable, le travail sonore minutieux et la direction d’acteurs impeccable.

Cette quasi perfection formelle liée à une intelligence du propos et à une subtilité nordique indéniable fait son petit effet. On ne voudrait surtout plus quitter ces lieux et ces gens, avec leurs failles, leur complexité et leur appétit d’exister, envers et contre tout.

Au théâtre, on met du scotch sur la robe de la comédienne, du gros chatterton noir, et la magie se produit, les spectateurs ne le voient pas. Trier parvient peu ou prou au même miracle tout le long du film.

C’est d’autant plus impressionnant que certaines choses dans le scénario pourraient à la lecture ne pas passer, les gros sabots se substituant parfois aux escarpins.

Las, c’est le souci de voir tout se régler, faisant suivre aux personnages une trajectoire exemplaire, à titre personnel comme artistique, que vers la fin ça pêche un peu. L’œuvre glisse dans une forme de facilité, quand bien même elle conserve sa grâce et son charme.

Sébastien Bourdon

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