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« L’agent Secret » de Kleber Mendoça Filho

samedi 4 octobre 2025, par Sébastien Bourdon

Circulation Sanguine

En 1977, le Brésil n’est pas sans charmes, mais sous les festivités souriantes du carnaval, se cachent à peine les nervis de la dictature militaire.

Un type vaguement taciturne (Wagner Moura) arrive dans une station-service déserte, et réalise que gît sous un carton un cadavre, comme abandonné là, au soleil et aux mouches.

Le pompiste fait malgré tout son boulot et les policiers qui débarquent se préoccupent plus de racketter le visiteur que du mort qui pourrit sous le cagnard.

Le décor est posé avec cette ouverture : une vague inquiétude, la possibilité de la violence, le tout teinté d’étrangeté et de burlesque.

Ce ton a toujours été celui de Mendoça Filho, capable, avec un art consommé du plan, d’introduire des dérèglements encore invisibles, mais toujours possibles, quand ils ne sont pas déjà là.

Ici, avec son film à tiroirs à la longueur inhabituelle, il pousse le curseur beaucoup plus loin, usant de ses exceptionnelles qualités, mais pêchant peut-être par un peu trop de mansuétude sur ses faiblesses.

L’histoire est longtemps incompréhensible, mais cela ne pose finalement pas tellement de difficultés. Un homme fuit quelque chose, qui nous sera patiemment révélé, pas complètement et peu importe.

Le réalisateur plonge dans l’histoire de son pays, sans s’embarrasser d’explications superfétatoires, il ne tente pas de surligner chaque mouvement de caméra. Le spectateur fera donc son chemin tout seul, mais pourra être rebuté.

C’est d’autant plus vrai que le film, à intervalles réguliers, fait de soudaines embardées oniriques et foutraques. Ainsi de la jambe trouvée dans l’estomac d’un requin qui ressurgit à plusieurs reprises, sans lien forcément évident avec l’intrigue principale.

Le réalisateur semble avoir ici trouvé matière à filmer en partant de son remarquable documentaire - « Portraits Fantômes » (2023) - sur la vie et la mort des salles de cinéma de Recife. Parce que si son film aborde de multiples thèmes (sans forcément avoir l’air d’y toucher), il parle quand même beaucoup de cinéma.

Qualifier l’exercice d’hommage serait toutefois l’enfermer dans un formol dont il ne cesse de s’extraire, bondissant sans cesse hors du cadre qu’il aurait pu s’imposer.

L’exercice a néanmoins ses limites : si la promenade cinéphile et politique n’est pas désagréable, on se perd un peu, on se lasse parfois. Comme si, pour ce film, le réalisateur brésilien avait bénéficié de beaucoup plus de moyens avec un besoin moindre de faire ses preuves, perdant au passage un peu de sa rigueur et de sa patte.

Sébastien Bourdon

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