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« Left-handed Girl » de Shih-Ching Tsou
lundi 6 octobre 2025, par
La Petite Voleuse
Après un exil loin de sa famille, Shu-Fen (Janel Tsai) se rapatrie à Taipei avec ses deux filles. C’est un retour sans gloire, et surtout impécunieux. Faute de soutien parental suffisant, elle ouvre une échoppe de nouilles au sein du marché aussi nocturne que coloré de la ville.
L’aînée, I-Ann (Shih-Yuan Ma), la vingtaine naissante, ayant abandonné les études avant de les avoir commencées, se fait un peu de blé chez un vendeur de tabac à chiquer, avec lequel elle cultive un rapport érotique, et en tout cas dépourvu du moindre soupçon de romantisme.
Dans ce marasme économico-sentimental, I-Jing (Nina Ye), la plus petite du trio féminin - et gauchère du titre - est évidemment quelque peu livrée à elle-même, faisant des étals grouillants du marché son territoire d’aventures.
La réalisatrice, collaboratrice de longue date du cinéaste américain Sean Baker (ici co-scénariste et monteur), aurait pu avec un tel scénario sombrer dans le misérabilisme, voire se contenter de pointer la médiocrité de ses personnages, globalement peu glorieux, surtout s’ils sont de sexe masculin. La malédiction, ce n’est pas d’être gauchère, c’est d’être femme.
N’empêche que dès le premier plan et nonobstant la survenance toujours possible du drame, le film prend le parti continu de la folle vitalité, d’abord incarnée par cette délicieuse petite fille. La mesquinerie des êtres, la cruauté du sort qui s’acharne, le mensonge, le vol et le capitalisme effréné ne font jamais le poids face à l’inextinguible soif de vivre.
Shih-Ching Tsou promène sa caméra avec une vivacité joyeuse et colorée qui sied parfaitement au propos, sans jamais regarder de haut ses personnages, collant à leur course dans la ville, jusqu’au plus près du sol pour suivre les pérégrinations de la plus petite des protagonistes.
Le film attrape les liens entre les êtres, ainsi de ce trio de femmes à différents âges de la vie qui se cherchent, qui se loupent, qui se croisent, et qui s’attrapent dans une chorégraphie endiablée et bouleversante.
Sébastien Bourdon