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« Fantôme Utile » de Ratchapoon Boonbunchachoke
mardi 16 septembre 2025, par
Ghost of Perdition
Un ladyboy universitaire (Wisarut Homhuan), dont l’appartement est envahi par la poussière provoquée par les grands chantiers environnants, fait l’acquisition d’un indispensable aspirateur. La nuit, son achat tousse et recrache ce qu’il a englouti la journée.
Face à cette situation quelque peu inquiétante, l’acheteur fait jouer la garantie, et débarque alors chez lui un étrange technicien aux cheveux teints en blond (Wanlop Rungkumjad).
Immédiatement, ce garçon lui explique que l’aspirateur est habité par un fantôme, comme d’autres objets dans l’usine d’où il provient, illustrant son propos par l’exposé oral des mésaventures subies par la dirigeante (Apasiri Nitibhon).
Le fils de la directrice (Witsarut Himmarat), veuf, a lui aussi vu réapparaître sa femme (Davika Hoorne) dans un outil électroménager similaire, jusqu’à cultiver des rapports érotiques homme machine.
Son épouse finit par sortir de la machine et devenir un fantôme physique, avec un trait caractéristique qui permet de distinguer les ectoplasmes des vivants, la teinte capillaire : un très beau rouge pour elle, jaune paille pour le pseudo réparateur.
Et ce n’est là qu’une des mille trouvailles visuelles de cette œuvre qui fourmille d’idées esthétiques, servie par une mise en scène extrêmement inventive.
Si le film prend son temps, il ne s’embarrasse pas pour autant d’explications poussées, les choses nous sont données à voir, à chacun de déterminer comment il les comprend.
Chose certaine, en Thaïlande, les morts ne disparaissent pas facilement du monde des vivants, ils s’y maintiennent par l’amour, comme par la soif de vengeance.
Pour y parvenir, ils doivent lutter contre l’oubli de ceux qui les ont aimés, mais aussi contre l’amnésie cynique entretenue par ceux qui les ont tués, représentants d’un pouvoir mercantile et corrompu.
Tout n’est donc pas seulement fantaisie chatoyante et gentiment érotique (queer). Le film prend progressivement une tournure infiniment plus politique, notamment dans son dernier tiers, lui donnant une force évocatrice inattendue et irrésistible.
Sébastien Bourdon