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« Starman » de John Carpenter (1984)
mardi 29 avril 2025, par
Être ou ne pas Être
En un temps où des utopies prenaient forme physique (1977), on envoya dans l’espace un disque, format vinyle, appelé « Voyager Golden Record » avec la sonde spatiale Voyager 2, espérant toucher de nos sons et langages une vie extraterrestre et lui proposer de venir faire un tour sur la planète bleue.
Partant de ce fait réel, John Carpenter a imaginé qu’un alien se présente alors à nos portes, animé, et ce n’est pas coutume en science-fiction, d’intentions curieuses et pacifiques.
Las, ce que l’humain ne connaît pas, le plus souvent il le bombarde et voilà que notre objet volant non identifié s’écrase dans la baie de Chequamegon (Wisconsin) après avoir été percuté par quelques missiles sol-air américains.
La chose - qui à ce stade reste invisible à nos yeux - débarque dans une maison isolée où se morfond une jeune veuve éplorée, Jenny Hayes (Karen Allen).
Pompette et triste, elle s’effondre sur son lit, moment dont profite l’extraterrestre pour prendre l’exacte forme de son mari défunt, s’inspirant des photographies et films Super 8 de ce dernier, adoptant une enveloppe humaine qu’il compte utiliser pour se carapater au plus vite de cette planète hostile.
A la fois fascinée et terrifiée, la jeune femme le laisse l’embarquer pour un road-trip avec le FBI, la CIA, l’armée et tout le tintouin aux fesses, le but étant pour cet E.T. devenu humain de rejoindre sans encombre le lieu des retrouvailles avec les siens.
De tous temps, le cinéma et la littérature ont goûté les charmes de la peur venue des frontières du monde connu, inventant toutes sortes de créatures terrifiantes débarquant du cosmos pour détruire l’humanité, de « La Guerre des Mondes » (une bonne dizaine de visites du roman de H. G. Wells) à « The Thing » (du même Carpenter) en passant par « L’invasion des Profanateurs de Sépultures » (pas moins de trois adaptations : Don Siegel, Philip Kaufman et Abel Ferrara).
Production cinématographique souvent symptomatique de la peur des Rouges en pleine guerre froide, il existe aussi un pendant plus optimiste, imaginant des rencontres où la méfiance n’a pas lieu d’être, comme on a pu le voir chez Spielberg (« Rencontres du Troisième Type » ou « E.T. »).
Ce film s’inscrit plutôt dans cette deuxième tendance, ce qui peut surprendre, John Carpenter étant le plus souvent le cinéaste du « Mal » comme matière aussi noire que pure (cf. « Back to the Bone » de Jean-Baptiste Thoret). Ce film dénote donc dans son œuvre, tout en s’y inscrivant indéniablement.
Action, road-movie, romance, science-fiction, tous les genres semblent ici se mélanger pour un film à la perfection quasi absolue au service d’une réflexion philosophique et poétique : Jeff Bridges devient progressivement humain, dans le geste et la parole, sous les yeux d’une femme, pour qui finalement ce « lui est un autre ».
En effet, d’abord horrifiée puis bouleversée par cette sorte renaissance physique de l’homme aimé, ses émotions se déplacent et c’est l’alien lui-même qui l’émeut, créant un lien par delà sa ressemblance au défunt (qui se distingue du mimétisme).
Surtout, Carpenter pose un postulat : l’image filmée comme moyen de ramener les morts.
Sébastien Bourdon