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« Serre Moi Fort » de Mathieu Amalric

vendredi 10 septembre 2021, par Sébastien Bourdon

La Femme Fuyant l’annonce

Une femme (Vicky Krieps) quitte le domicile familial au petit matin et entame une errance dans un espace temps trouble.

Rêve t’elle, est-elle plongée dans ses souvenirs, est-on certain du moment et des lieux où cela se situe, est-elle avec les vivants ou parle-t-elle aux fantômes ? Il faudra aller au bout d’un parcours beau et déchirant pour approcher de quoi il retourne exactement.

Le réalisateur nous raconte l’absence et la disparition, par cercles concentriques, pour s’en approcher très progressivement. Les choix de narration sont définitivement courageux, n’espérez point être gentiment pris par la main. Diverses versions possibles de l’histoire se côtoient et s’entremêlent. Quelle est la bonne, le spectateur se fera son idée (Two sides to every story, n’est-ce pas).

Mais le film vous happe dès la première image, par son extrême beauté, sans que cela relève de choix esthétiques téléphonés ou évidents. Paysages brumeux, quand ils ne sont pas enneigés, usines fumantes au fond de la vallée, la photographie se met au diapason de l’esprit embrumé de sa protagoniste. Son brouillard psychique se lit dans les décors, c’est à peine si elle sait où elle va, ni où elle est. Disons qu’elle se perd par nécessité, à la recherche éperdue de la lumière qui surgit sans cesse et s’enfuit aussitôt.

Mathieu Amalric, avec ce septième film, confirme qu’il n’est donc pas seulement un des comédiens les plus importants de sa génération, mais également un metteur en scène magnifique et singulier (on recommande notamment vivement « Tournée » du même).

La volontaire déstabilisation du spectateur dans la narration est également le fruit d’un travail de montage extrêmement audacieux et subtil. Car le film n’est pas aussi diffracté qu’il en a l’air, on finit par progressivement recoller les morceaux.

Cela ressemble surtout à un travail d’écriture en direct, celui de la protagoniste, comme si torturée par le réel elle essayait sous nos yeux (et nos oreilles, la musique, du piano surtout, est essentielle) de le poursuivre sous sa plume, pour parvenir à le rendre supportable. Pour cela elle pourra aussi bien inventer qu’accepter la confrontation, mais il s’agira en tout état de cause d’en tirer quelque chose qui fasse sens. Il n’y a pas d’autre voie possible.

« Serre Moi Fort » est un film complexe, douloureux et mélancolique, mais d’une richesse exceptionnelle.

Sébastien Bourdon

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