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See Roger Play

"Is This The Life We Really Want ?" Roger Waters

mardi 15 août 2017, par Sébastien Bourdon

"Is This The Life We Really Want ?" Roger Waters

L’autre jour, nous avons eu un désaccord musical avec mon beau-frère ("mon beau-frère, nu comme un ver !" Higelin). Cela mérite bien une chronique (de disque).

Alors que je m’enthousiasmais bruyamment pour le dernier opus de Roger Waters, ledit époux de l’une de mes sœurs reprochait quant à lui à l’artiste de se répéter, mais en moins bien, et d’avoir maintenant une voix de vieillard chevrotant.

À ce dernier argument un peu cruel sur les méfaits du temps qui passe, je répondrais en évoquant Léonard Cohen qui chuchote presque son dernier disque ("You Want It Darker" 2016) sans empêcher que cela en fasse un chef d’œuvre, et même au contraire. Il est vrai que mourir juste après ajoute à la légende, quand Roger Waters parcourt toujours le monde avec sa basse et une grosse production scénique.

S’agissant de la redite de splendeurs passées (Pink Floyd donc), il conviendrait donc de réécouter les vieux disques plutôt que celui-là.

Roger a pourtant cette fois trouvé une solution radicale : ne pas mettre de guitare ou si peu.

L’instrumentation reste particulièrement riche, mais il ne faudra donc pas compter sur des solos longs, stratosphériques et colorés. Un seul être vous manque (David Gilmour) et... il vaut mieux combler autrement.

C’est ainsi que, fort de l’appui du producteur vedette Nigel Goldrich (Radiohead, Paul Mc Cartney etc.), le bassiste anglais, s’il puise dans ses ressources habituelles, pousse sa logique un peu plus loin et parfois même dans d’autres retranchements.

On relève tout d’abord un sens conservé de la mélodie, doublé de la construction méthodique d’un impressionnant spectre sonore, fait d’arrangements riches et variés, aussi bien luxuriants qu’épurés.

S’y ajoutent ensuite forcément des bruits et sons divers (aboiements, verres brisés, dialogues radiophoniques...) contribuant à la création d’une atmosphère globale, justifiant l’écoute du disque d’un trait afin de mieux profiter du voyage.

Les rappels au glorieux passé frisent certes l’auto citation, jusqu’à ce batteur, Joey Waronker, qui sonne comme Nick Mason avec un pied droit enfin agile, ainsi qu’aux sonorités de clavier évoquant évidemment feu Richard Wright. Mais c’est peut-être une manière pour l’égotiste Roger Waters de réaffirmer que Pink Floyd, si on enlève la guitare, c’est lui et personne d’autre (affirmation qui a d’ailleurs tué le groupe).

Mais surtout ce qui fait de cette œuvre un inattendu monument est la sourde colère qui s’en dégage sous l’indiscutable beauté. Waters, s’il peut musicalement s’émouvoir et s’émerveiller de l’attente de la femme aimée ("un seul être vous manque", bis) est aussi fort enragé contre un monde où quelques uns accumulent sur terre des richesses sans fin quand d’autres bien plus nombreux et démunis de tout se noient dans des océans sans fond.

Est-ce vraiment la vie que nous voulons s’exclame l’anglais indigné, martelant cette question légitime avec une acuité musicale vivace et enthousiasmante. Cela nous donne le disque beau et hypnotique d’un été qui semble toujours s’échapper quand on s’apprête à le rattraper.

Sébastien

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