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« Rome, Ville Ouverte » (1945) de Roberto Rossellini

vendredi 12 décembre 2025, par Sébastien Bourdon

À la Guerre comme à la Guerre

Dans le délicieux « Nouvelle Vague » (2025) de Richard Linklater, Roberto Rossellini rend visite à la troupe des Cahiers du Cinéma pour leur dispenser une joyeuse leçon sur l’art de faire des films. S’ensuit une virée parisienne en décapotable avec Godard durant laquelle il complète et précise son propos.

Le cinéaste italien était considéré par cette bande de jeunes promise à un grand avenir comme une sorte de mètre-étalon du cinéma nouveau à venir.

En revisitant l’œuvre de Rossellini, on se sent tout de même un peu perplexe, qu’il s’agisse de ses œuvres dites néo-réalistes, comme de ses projets plus expérimentaux (annonçant Antonioni). Car paradoxalement, en les revoyant, on les trouve assez empesés, loin de la liberté de ton qui caractérisa la Nouvelle Vague.

Ceci posé, en invoquant ces maîtres, ils pensaient peut-être plus à une idée du cinéma, sans avoir nécessairement à se conformer à leur style (idem avec Hitchcock par exemple).

Cette docte manière rossellinienne de filmer serait-elle un peu prétentieuse ? Le portrait le plus juste du cinéaste serait alors à trouver dans l’autobiographie de Georges Sanders, « Mémoires d’une Fripouille  ». L’acteur y raconte en quelques pages désopilantes son expérience avec le maestro sur le tournage du « Voyage en Italie » (1953).

S’agissant de « Rome, Ville Ouverte » (1945), le film est très manichéen, avec de longues scènes de dialogue artificiel, consistant en un étalage rhétorique sur ce qui distinguerait les gentils des méchants (exercice somme toute assez simple s’agissant de résistants qui affrontent des nazis).

Ainsi, les allemands sont cruels et fats, quand les partisans sont aussi héroïques qu’intègres. L’un d’eux d’avoir gardé le silence mourra sous les coups, telle une figure christique renonçant à la vie terrestre pour sauver les siens. L’église romaine, décidément omniprésente dans le film, se rachète également au passage une vertu sous les traits du prêtre martyr et attachant (Aldo Fabrizi).

Cette atmosphère est d’autant plus surprenante que le film est tourné sur site : la guerre venant de s’achever, Rossellini avait sous la main des décors en parfait état de destruction.

Mais c’est ce qui pourrait expliquer certaines lourdeurs didactiques : ce n’est plus tout à fait de l’actualité, et pas encore de l’histoire.

En termes de reconstitution de la résistance durant la deuxième guerre, on pourra préférer « L’armée des Ombres » (1969) de Jean-Pierre Melville, lui-même ayant rejoint l’Angleterre dès 1942 et semblant savoir de quoi il retourne, sans manichéisme (cinéaste également admiré par la Nouvelle Vague, apparaissant notamment dans «  A Bout de Souffle »).

Mais dans « Roma, Città Aperta », il y a Anna Magnani, immense actrice qui par son jeu donne à ce film sa puissance intacte d’évocation.

Ainsi de cette fameuse séquence d’une violence sèche proprement inouïe, dans laquelle le réalisateur et l’actrice nous restituent toute la brutalité de l’époque et du monde en 24 images par seconde.

François Truffaut disait tenir « Alfred Hitchcock pour plus conscient que Renoir et Rossellini ». Certes, mais il avait des fulgurances quand même.

Sébastien Bourdon

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