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« Portraits Fantômes » de Kleber Mendonça Filho

lundi 6 novembre 2023, par Sébastien Bourdon

Cinéma Saudade

Kleber Mendonça Filho est probablement cinéaste parce que cela relève chez lui et depuis toujours d’une manière de considérer l’existence. Son quotidien est la source première de son inspiration, et la salle obscure le lieu du développement de son imaginaire.

C’est ainsi qu’en se plongeant dans le passé de sa ville, et dans ses propres archives, il reconstruit une histoire du cinéma, le sien. La visite historique de Tony Curtis et Janet Leigh à Recife en 1961 en constitue le bal inaugural : des figures hollywoodiennes ont arpenté main dans la main le bord de mer d’une ville qui compta tant de salles de cinéma.

Il n’existe pas ici pour lui de lieux vierges de cinématographie, ainsi de l’appartement maternel qui est le lieu où il vit, mais aussi celui où il filme sans cesse, comme un studio hollywoodien reconstitué en miniature brésilienne.

Les alentours, qui changèrent tant avec l’arrivée massive de nouveaux habitants, lui ont servi de matière à histoires, ainsi du sentiment d’insécurité ressenti par la population nouvelle et qui traverse ses films, sentiment en réalité déconnecté de la réalité plutôt paisible de Recife.

Kleber Mendonça Filho se fait le conteur de cette histoire mélangée qui fait pour lui un tout. L’avantage du portugais à la sauce brésilienne est que la moindre phrase, c’est déjà de la musique (contrairement au néerlandais par exemple), et on se laisse bercer par l’indéfectible mélancolie des images et des mots.

Avec une infinie délicatesse, une narration audacieuse et des images aussi belles qu’hétéroclites, le cinéaste rejoue pour nous ce qu’a été pour lui l’éternelle magie du cinéma. Et la séance achevée, on se sent un peu comme ce projectionniste aujourd’hui défunt, pilier d’une salle de cinéma abandonnée, qui promit de fermer définitivement les lieux avec une clé de larmes.

Sébastien Bourdon