Accueil > Francais > Cinéma > « Les Aigles de la République » de Tarik Saleh
« Les Aigles de la République » de Tarik Saleh
dimanche 30 novembre 2025, par
Dans son rôle
Georges Fahmy (Farès Farès) est la vedette mâle du cinéma égyptien - « Le Pharaon » comme on le surnomme - et s’il semble en jouir de façon hédoniste, il prend quand même son boulot au sérieux.
Divorcé, il sort avec une jeunesse boudeuse (Lyna Khoudri) mais n’en tire pas forcément grande satisfaction. L’homme, s’il est au faîte de sa gloire, n’en est pas moins vieillissant.
Dans un pays où la liberté de parole n’est pas vraiment de mise, tout goguenard qu’il soit, Georges reste prudent, car attaché à son confort et à son prestige. Mécontent mais contraint, il accepte d’interpréter le Président Fattah-al-Sissi dans un biopic tout à sa gloire.
Une série de petits événements et sa relative intégrité morale et affective vont alors l’amener à glisser de manière mal contrôlée dans des compromis dangereux.
Tarik Saleh aime les intrigues, et sait fort bien les ficeler, déplaçant, selon les films, cette maîtrise de la narration dans des communautés diverses (mais toujours égyptiennes, s’agissant du troisième volet de sa « Trilogie du Caire »). Cette fois on oscille entre le show-business et la politique, dans un cocktail qui va évidemment, mais méthodiquement, se révéler explosif.
Le film a l’originalité de se scinder en deux chapitres bien distincts, avec un changement de ton assez radical en cours de route.
Après une première partie aussi cynique que drôle, se révèle une suite autrement plus menaçante, mais dont les prémices ont en réalité été discrètement exposées dès le départ.
L’indéniable savoir-faire du cinéaste ne fait pas pour autant de son dernier opus un pur mais vain exercice de style (et ce d’autant que des styles, il y en a plusieurs).
Le scénario se frotte à une réflexion sur le jeu : le héros est un acteur à qui l’on va imposer - par l’exercice de son art - de contribuer à la propagande d’un État corrompu et cruel. Et même dans cet exercice, Georges n’acceptera pas de cesser d’être un interprète, par exigence de comédien plus que par intégrité morale.
Il faudra que les choses s’accélèrent et se dévoilent violemment pour qu’il découvre qu’à un moment, on ne joue plus.
Sébastien Bourdon