« Dossier 137 » de Dominik Moll

Stéphanie Bertrand (Léa Drucker), est enquêtrice à l’IGPN (la Police des polices, les « bœufs-carottes », comme on les appelait autrefois). Ses journées déjà chargées sont soudainement complexifiées par l’emploi un peu trop hasardeux et systématique du LBD pendant l’épisode Gilets Jaunes.

Elle reçoit ainsi une famille de Saint-Dizier dont le fils a été sérieusement blessé par un tir en pleine tête, en marge des manifestations sur les Champs-Élysées. Scrupuleuse comme toujours, et sensible au sort de ces gens, elle se met au travail pour déterminer les responsabilités de chacun dans le drame.

A l’occasion de cette affaire, elle va se trouver confrontée à une humanité diverse qui peine à se trouver un chemin commun.

Le film réussit à être à la fois minutieux et haletant, montrant sans faiblir la complexité technique et factuelle de l’enquête.

On s’attache d’autant plus aux pas de la policière que sa recherche de la vérité se double d’enjeux sociétaux lourds et complexes.

Ne nous est pas seulement contée une histoire, mais nous sont exposés - peut-être pas toujours avec la même finesse, certes - les rapports de force en présence.

Chacun défend son pré carré jusqu’à l’absurde, sa porte irrémédiablement fermée aux autres ; la commandante de Police devient dans ce schéma une sorte d’impossible pivot, pleine de bonne volonté, mais mécaniquement traîtresse à tous : aux victimes qu’elle ne défendrait pas ou mal, par empathie pour ses collègues, aux policiers car enquêtant sur eux et devenant de facto leur adversaire quand bien même est-elle issue du même corps.

Tout en n’étant pas forcément nécessaires au regard de l’exposé impeccable de l’enquête, les scènes d’intimité ne sont pas moins réussies, de l’adoption d’un chat errant aux discussions dans la cuisine entre une mère et sa fille, où se glissent là encore des réflexions politiques.

Dans « La Nuit du 12 » (2022) du même Dominik Moll, plus les recherches policières progressaient moins on n’y voyait clair, ici, l’enquête apporte les réponses, mais dans un cas comme dans l’autre, cela se révèle inutile, si ce n’est à confirmer un triste constat sur l’état de notre société.

« Antisocial, tu perds ton sang-froid »

Sébastien Bourdon