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« Par Cœurs » de Benoit Jacquot

dimanche 8 janvier 2023, par Sébastien Bourdon

Sur le Pont d’Avignon

Le documentaire colle au plus près de comédiens au moment de monter sur scène à Avignon, en juillet 2021 (forcément, c’est la saison du fameux festival). C’est un diptyque puisque lorsque l’on en aura fini avec l’une - Isabelle Huppert - on passera à l’autre - Fabrice Luchini.

Deux acteurs donc extrêmement connus à défaut d’être éventuellement complètement populaires, aux personnalités extrêmement différentes : Huppert est quand même nettement plus introvertie que Luchini (ce qui n’est pas difficile pourra-t-on me rétorquer).

Le film commence par Isabelle qui arrive dans le Palais des Papes pour y jouer la Cerisaie (Tchekov). La caméra la serre au plus près et on comprend mieux pourquoi le temps semble glisser sur cette figure familière : alors qu’elle est au travail, se dégage toujours d’elle quelque chose de juvénile dans ses gestes, qu’ils soient réfléchis ou dans le sursaut.

Isabelle ne s’embarrasse pas auprès de son interlocuteur d’explications emberlificotées sur le travail de l’acteur, cela fera contraste avec celui qui la remplacera ensuite à l’image. Elle est concentrée, mais reste souriante, d’une exquise politesse gracieuse. On la sent parfois inquiète du texte, de son jeu, mais on constate aussi combien jouer lui est naturel (mais d’ailleurs, alors qu’elle est filmée, joue-t’elle encore ?).

Le passage à Luchini fait indéniablement contraste, il ne se tait jamais, semblant chasser toutes les inquiétudes par la logorrhée. L’exercice auquel il va se livrer sur scène est différent de l’interprétation d’une pièce, mais il en est familier, puisqu’il s’agit d’une lecture, celle de Nietzsche et Baudelaire.

Et l’acteur de causer sans cesse, en répétition, à table, en voiture, abreuvant ses interlocuteurs de digressions à tout va sur le métier de comédien, sur le travail, sur l’interprétation, balançant Louis Jouvet à toutes les sauces.

Évidemment, parce que le bonhomme est drôle et a du bagout, tout passe, mais on se dit qu’on pourrait sauter à la mer si on se retrouvait coincé avec lui trop longtemps sur un voilier.

Luchini insiste en répétition et sur scène sur ce propos de Nietzsche à propos des grecs anciens et dont on se dit qu’elle qualifierait aussi les acteurs et synthétiserait ainsi le propos de ce joli documentaire : ils sont superficiels par profondeur.

Sébastien Bourdon

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