Accueil > Francais > Cinéma > « Miroirs no. 3 » de Christian Petzold

« Miroirs no. 3 » de Christian Petzold

dimanche 7 septembre 2025, par Sébastien Bourdon

L’inconnue dans la Maison

Laura (Paula Beer) n’est pas dans une forme éblouissante : lorsqu’au bord de l’eau, son regard morne se pose sur un type qui fait du paddle, c’est comme si elle voyait Charon naviguer sur l’Acheron pour l’emmener vers le royaume des morts.

En réalité, même si thanatos est omniprésent au début du film, il s’agit plutôt de nous raconter une rencontre impromptue entre deux femmes de laquelle jaillira possiblement un retour vers la vie.

Au cours d’une excursion à la campagne, Laura survit miraculeusement, sans égratignures ou presque, à un dramatique accident de la route. Elle trouve alors refuge chez Betty (Barbara Auer), témoin de l’événement et qui l’a immédiatement portée dans sa maison isolée, située à proximité. Cette dernière est une sexagénaire élégante, à la très grande solitude apparente.

Les deux femmes ne se connaissent pas, mais un seul regard a suffi pour que l’une accueille l’autre, sans s’embarrasser d’explications.

Ce retour de la vie en sa maison pousse Betty à reprendre attache avec son mari et son fils, garagistes lunaires vaguement magouilleurs, eux aussi posés dans une routine mélancolique qui aurait besoin d’être secouée.

La réalisation relève de l’épure : paysage de campagne désert ou presque, tout se passe entre la maison de l’une et le garage des deux autres, et on fait des allers retours. Petzold visait le western, et il y a bien là quelque chose qui en relève, avec la bicyclette à la place du cheval.

Cette histoire simple a tout du conte, avec des personnages un peu décalés, parfois même burlesques. Christian Petzold sait glisser dans sa narration une indéniable étrangeté, même quand il s’agit de réparer un lave-vaisselle.

L’on devine certes vite de quoi il retourne, et le film aurait sans doute gagné à être plus énigmatique encore, moins appuyé dans ses explications.

L’histoire est vieille comme le monde : des gens sont partis et il arrive qu’en surgissent d’autres, qui prennent leur place tant et si bien qu’on en vient à se demander si ce ne sont pas les disparus qui ont réapparu.

Le cinéma est peut être l’art qui permet le mieux de faire revivre ce qui s’est enfui. Ce schéma narratif hitchcockien est ici décliné en version germanique et campagnarde, avec ce qu’il faut d’onirisme et de poésie.

Sébastien Bourdon

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par les responsables.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.