« Médecin de Nuit » de Elie Wajeman

C’est la figure du médecin de ville qui est convoquée, celui qui soigne aussi bien les corps que les âmes, ici une fois la nuit tombée.

La difficulté pour le docteur Mickaël Kourtchine (Vincent Macaigne) est que si son corps ne va pas si mal (il ne semble craindre ni la bagarre, ni la bagatelle), son âme n’est pas au mieux. Son existence se délite et il pressent qu’il a cette dernière nuit pour tenter de rattraper tout ce qu’il a laissé filer (amours fatiguées ou sans issue, travail qui ne fait plus sens, petits arrangements douteux avec la législation etc.).

L’exercice ne sera évidemment pas aisé, surtout sur un temps aussi ramassé, avec tant à décider et faire dans une conjoncture qui ne cesse de se tendre avec les heures.

Ce troisième film d’Elie Wajeman vient clairement chercher son inspiration dans une certaine idée du polar français, sorte de réponse au film noir américain (n’est-ce pas Alain Corneau ?).

Le film joue parfaitement sur l’économie du genre, mais réussit aussi au passage à se colleter avec le cinéma vérité. Le réalisateur prend en effet le temps de donner à un film court et intense des pauses crédibles et invariablement touchantes lors des visites faites aux patients. Chaque intimité recèle ainsi une douleur, un besoin, des angoisses, une solitude. C’est la ville qui souffre et qui l’admet une fois la nuit venue, quand tombent les masques.

Cette histoire âpre s’inscrit ainsi dans un réel parisien d’autant plus palpable que la ville y est admirablement filmée. Aucune intention touristique : ces quartiers aux immeubles sans grand charme, au moderne déjà vieilli, où loge une classe moyenne qui existe encore, ce Paris largement ignoré et pas moins précieux dans la construction de l’identité de la ville.

Ce n’est pas le moindre des atouts de ce très bon film que de savoir poser un regard juste sur des lieux et ceux qui les habitent, avant d’y faire œuvre de fiction.

Sébastien Bourdon