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« May December » de Todd Haynes

samedi 27 janvier 2024, par Sébastien Bourdon

Faites entrer l’Accusée

Elizabeth (Natalie Portman), décide de passer quelques jours avec l’héroïne de la vie réelle qu’elle doit interpréter dans un tournage prochain. Elle se rend donc à Savannah pour y rencontrer Gracie (Julianne Moore) et sa famille.

Cette dernière avait en effet quelque peu défrayé la chronique vingt ans plus tôt : enseignante mariée et mère de famille, Gracie avait tout envoyé en l’air pour un de ses élèves, alors âgé de douze ans. Elle avait même été embastillée pour cet indiscutable détournement de mineur, mais les amants interdits avaient fini par convoler en justes noces, et même faire trois enfants.

Alors que cette affaire a été un peu oubliée, sa prochaine adaptation sur grand écran et la visite de celle qui y prendra le rôle principal, replonge le microcosme dans la complexité des existences qui le composent.

Todd Haynes, s’il ne perd ici ni le sens du cadre, ni celui de l’esthétisme de tous les plans, propose ici un film déconcertant et passionnant, à la forme hybride.

Il se penche en effet peu sur le passé des protagonistes du scandale et sur ce qu’a pu être la folle période de leur rencontre et de ce qui s’en est suivi, entre déchirements intimes et furie médiatique.

Le cinéaste ne se hasarde donc cette fois pas sur les terres de Douglas Sirk (qui lui ont souvent réussi), ou alors en teintant son film d’une amertume cruelle et d’une ironie toutes bergmaniennes.

Suivant la sorte d’investigation que mène Elizabeth sur cette histoire qu’elle s’apprête à interpréter, Haynes fabrique une mise en abîme du mélo. Tel l’écrivain Truman Capote quittant New York pour enquêter sur la tuerie d’Holcomb (Kansas) et en tirer son grand œuvre (« De Sang Froid » - 1966), l’actrice plonge les mains dans le cambouis de ces gens pour mieux s’imprégner de son rôle, quitte à y laisser quelques plumes (ou à en leur faire perdre).

Et il n’est pas interdit de penser que cette artiste en quête d’un personnage n’est autre que l’alter ego du cinéaste, qui chercherait dans le réel matière à fabriquer sa fiction.

Car toute vie est une histoire, justifiant parfois que l’on tente un jour de la mettre en scène.

Sebastien Bourdon

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