Le Voyage en Italie (Chapitre 9 - 2ème partie)

On n’explique pas forcément bien ce qui fait qu’en descendant du train on est immédiatement attaché à un lieu jusqu’alors inconnu. On pourrait pourtant n’évoquer que des choses rebutantes pour d’aucuns : la chaleur, le bruit assourdissant de la circulation anarchique, la crasse omniprésente (Marseille évoquerait presque en comparaison une riante bourgade des Hauts-de-Seine) etc.

Ainsi, dans cet univers où la signalisation routière est essentiellement esthétique, la loi appartient à celui qui se décrète le plus fort. Comme piéton, il faut y croire, mais c’est faisable. Il n’est toutefois pas à écarter la possibilité que l’arrivée de la trottinette électrique mette fin à toute possibilité de circulation pedibus cum jambis.

La mer n’est pas loin, mais il faut aller physiquement jusqu’à son bord pour se voir enfin confirmée son existence. Enserrés dans les rues étroites où le ciel semble n’être qu’une lointaine bande bleue par dessus les toits, on est presque surpris de la voir enfin apparaître, immense, scintillante et majestueuse.

Évidemment au bord de l’eau, la vie semble plus douce, monuments immenses, appartements avec vue, boutiques luxueuses, tout porte à croire que l’épuisement napolitain a moins cours ici. Las, cet embourgeoisement pousse aussi à une normalisation commerciale dans les rues attenantes. Se confirme ici le règne en Italie des enseignes Intimissimi et Calzedonia. Ne reste que l’identité architecturale pour échapper à la sensation d’uniformité commerciale mondialisée.

Et surtout, quelques pas de côté permettent de retrouver instantanément la libre fournaise napolitaine.

En réalité, l’élan immédiat pour cette ville s’explique aisément : se refusant autant que possible à être ripolinée, la ville de Naples, c’est la vie, sale et bouillonnante, avec ses effondrements et ses éclats de sublime.

Sébastien Bourdon