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« Le Procès Goldman » de Cédric Kahn

mardi 17 octobre 2023, par Sébastien Bourdon

And Justice for All

Le procès est le lieu même où s’agglomère l’humanité, avec des règles de représentation formelles, se prêtant à une forme de théâtralité que le cinéma a évidemment souvent épousé.

S’y jouent les âmes - parfois errantes - et les corps, la société qui les regroupe y trouve ses raisons et limites, quoique de plus nécessaire et imparfait que la justice des hommes.

Le procès en assassinat fait à Pierre Goldman (Arieh Worthalter) était on ne peut plus emblématique, s’agissant de l’homme, comme du moment. Fils de résistants polonais héroïques, né en 1944, il arrivait trop tard dans un monde trop vieux. En 1970, comme le dit à la barre l’un des protagonistes, la révolution, c’est fini.

Alors, égaré faute de combats aussi essentiels que ceux de ses parents à mener, se refusant à être « juif de salon » comme il le dit de Georges Kiejman (son avocat - Arthur Harari), il s’est perdu quelque part entre l’idéologie et la fête, devenant gangster pour survivre. A propos de la résistance contre le nazisme, il écrivait : « je conserve la marque de ce combat et j’ai erré pour en retrouver la saveur ».

Rattrapé par la patrouille, accusé d’un double meurtre de pharmaciennes à Paris, il ne cessera à l’écrit comme à à barre de défendre à la fois son innocence et ses convictions politiques, devenant le symbole et le porte-parole d’idéaux de justice et de liberté de toute une génération.

Pierre Goldman est un pur, hélas le procès est le lieu des compromissions nécessaires, mais tel est parfois le prix à payer pour rester libre. Il va quand même essayer de ne céder à aucune facilité, partant de cette évidence philosophique : il est innocent, parce qu’il est innocent.

Pour mettre en scène ce procès éminemment politique, Cédric Kahn opte pour la sobriété absolue : l’instance, rien que l’instance. Nous ne sortirons jamais du tribunal. Et pourtant que de cinéma dans ce parti pris, tant les développements et rebondissements ont le souffle de l’épique comme le terre-à-terre de l’humanité réduite aux aguets.

Goldman invective et explose, plein d’une assurance forgée par la culture et la réflexion, ce qui le rend d’autant plus conscient de ses échecs, et se faisant fort de convaincre la Cour d’Amiens de son innocence des crimes tout en reconnaissant avec honte, mais panache, les autres forfaits.

C’est au beau milieu de la société française que surgit ce juif errant, tout le monde est dans la salle, les puissants, les parvenus, les sans grades. Et c’est à cette foule que Goldman s’adresse, renvoyant à la France de l’époque son injustice sociale, son racisme endémique et sa violence, quand on entend faire le sien de procès.

Cours camarade, le vieux monde aura ta peau.

Sébastien Bourdon

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