« Le Ciel Rouge » de Christian Petzold

Cela débute comme un film d’horreur, deux jeunes hommes tombent en panne dans la forêt et tentent de rejoindre dans l’obscurité qui vient la demeure où ils vont loger.

En réalité, nous sommes plus proches de Jacques Rozier (toute la critique lettrée a parlé de Rohmer, frimons un peu avec un autre nom) que de Wes Craven.

Dans cette maison perdue au fond des bois, point de serial killer ni de Baba Yaga, mais un trio qui deviendra quatuor qui folâtre. L’un est venu pour écrire (Thomas Schubert), l’autre pour achever un projet photographique (Langston Uibel), la troisième vend des glaces (Paula Beer) et le quatrième surveille la baignade (Enno Trebs).

L’écrivain est un bloc de frustration, insatisfait - à l’instar de son éditeur - de son dernier manuscrit, boudant le plaisir des autres en permanence, quand bien même son attirance pour Nadia - souriante et secrète - se fait de plus en plus prégnante.

Nous sommes donc dans une atmosphère très Nouvelle Vague - dans son pendant solaire et estival - mais en 2023, ce qui sous-entend un aspect un peu plus gender fluid.

Surtout, pour s’ancrer encore plus dans l’époque, le réalisateur fait peser sur cette villégiature forestière et maritime une menace bien tangible, celle du feu de forêt que l’on ne maîtrise évidemment plus.

Ce marivaudage se joue donc dans une atmosphère de possible fin du monde, y ajoutant une coloration puissante, le rouge évidemment.

En réalité, c’est d’abord l’histoire d’un homme qui écrit, avec ce que cela peut avoir de désespérant et prétentieux. Insatisfait de lui, exaspéré par les autres, il traîne sa frustration boudeuse sous le soleil, qui telle la vie, peu à peu, le rattrape.

Si le film s’accélère de manière un peu artificielle à l’approche de son issue, avec des péripéties pas forcément nécessaires, il parvient malgré tout à tenir quelque chose de sensible et beau tout du long.

Sébastien Bourdon