« L’innocent » de Louis Garrel

Abel (Louis Garrel) a perdu tragiquement son épouse, et c’est un jeune veuf qui traîne une douleur lancinante, semblant ne pas trop savoir par quel bout reprendre la vie. Sa mère (Anouck Grinberg) donne des cours de théâtre en prison et c’est dans ce cadre (carcéral) qu’elle rencontre Michel (Roschdy Zem). Éperdument amoureuse - et on comprendra très vite que ce n’est pas la première fois qu’elle s’éprend d’un repris de justice - ils se marient avant qu’il ne soit libéré. Abel, échaudé par son pessimisme latent et les précédents emballements du cœur maternel, reste sceptique et méfiant, convaincu, comme dans tout bon polar, que Michel va replonger dans les combines de malfrat.

Le pitch pourrait évoquer un sombre film social comme on sait si bien en réaliser sous nos cieux, il n’en est rien, c’est une comédie, aussi hilarante que touchante, particulièrement réussie de surcroît.

Abel a la maladresse et l’humour du désespoir, sa mère est frappadingue, son amie Clémence (Noémie Merlant) est aussi pétillante qu’entraînante et tous vont s’embarquer plus ou moins volontairement dans les projets rocambolesques de Michel.

Louis Garrel est issu d’une dynastie française tenancière d’un cinéma plutôt austère, mais pour sa quatrième réalisation, il opte pour le sourire.

Surtout, il s’intéresse au jeu, quand ce dernier envahit toute la vie comme c’est le cas dans la sienne : dès l’enfance, Louis Garrel faisait de la figuration dans les films de son père, en compagnie de sa mère et de son grand-père. Dans des saynètes aussi brillantes que drôles, par d’habiles mises en abîme, le réalisateur interroge les ressorts de la comédie, du jeu d’acteur : à quel moment est-on sincère quand on joue, et ne finit-on pas par devenir ce que l’on invente ? Ou bien est-ce qu’en soi tout préexiste ?

Jouer l’amour jusqu’à tomber éperdument amoureux, c’est un joli programme.

Sébastien Bourdon