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« Jane par Charlotte » de Charlotte Gainsbourg

jeudi 3 février 2022, par Sébastien Bourdon

Moi Charlotte, toi Jane

A quel moment un film de famille devient du cinéma, peut-être presque immédiatement lorsqu’il s’agit de filmer, voire de mettre en scène, des gens tant habitués aux sirènes de la célébrité que leur seule présence à l’image nous écarte définitivement du banal. Rien n’est anodin chez ces gens, et depuis si longtemps.

Pourtant Charlotte Gainsbourg ne cède pas à cette facilité, elle va au-delà des trompettes de la renommée pour chercher avec sa caméra l’anecdotique comme l’universel, ce qui nous lie à ceux qui ne sont pas le commun des mortels, mais qui n’en sont pas moins humains, trop humains.

Charlotte Gainsbourg a décidé de s’attacher aux pas de sa mère, avant qu’il ne soit trop tard semble-t-elle nous murmurer. C’est la possible disparition prochaine, le temps qui passe, qui justifient cette prise de vue, comme cette – discrète – prise de parole. La fille le distille délicatement tout au long de cette promenade autour de sa mère : Jane Birkin est fragilisée par l’âge, la perte (celle de sa fille aînée), la maladie et le temps qui passe.

Cette prise de conscience la décide à se colleter avec cette figure maternelle en travaillant le sujet – sa mère - comme le thème – les liens - les deux étant ici inextricablement mêlés.

Les chausse-trappes étaient tellement nombreuses dans ce projet que les énumérer prendrait ici toute la place : du pathétique au ridicule, à quoi bon filmer les angoisses existentielles des beautiful people, entre Tokyo, Paris et New York.

Tout d’abord et très vite, si elle se refuse à l’esbrouffe, Charlotte ne veut pas d’un film plat ou moche. Il y aura de belles prises de vues, de la musique (celle de son père, de sa mère, et même la sienne) et de la pudeur des sentiments (même pas maquillée outrageusement).

Elle ne se dispersera pas certes, elle veut parler de et avec sa mère, mais il y aura des fantômes : un ex-mari encombrant jusque dans l’absence définitive (Gainsbourg), une fille disparue (Kate Barry), des parents, un pays – l’Angleterre – et beaucoup d’histoires plus ou moins effleurées.

La présence encore vive de Jane, mais comme toujours au bord de la mélancolie, donne toute sa profondeur à ce film délicat. On relève certes quelques maladresses dues au manque de distance inévitable avec son sujet, mais de véritables moments de grâce. Ainsi de cette visite de la mère et de la fille, trente ans plus tard, au domicile parisien de Gainsbourg, laissé tel quel après son trépas. Un spectre semble fumer encore dans un coin sombre quand les deux femmes dans la maison vide se hasardent à la lumière des souvenirs.

Sébastien Bourdon

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