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« J’accuse » de Roman Polanski

samedi 30 novembre 2019, par Sébastien Bourdon

And Justice for All

L’affaire Dreyfus est archi connue, mais tout de même assez complexe, et la filmer ne se présentait donc pas forcément comme une pochade aisée à mettre en scène. Mais par sa maitrise de la tension et de la mise en scène, Polanski se fait efficace disciple d’Hitchcock.

Il fallait d’abord éviter l’effet naphtaline, forcément accentué par l’aspect costumé et le langage forcément désuet de l’époque concernée. Sans oublier les effets pervers de la reconstitution historique, singulièrement aggravés depuis quelques années par l’emploi à la truelle de la palette numérique transformant artificiellement décors et protagonistes.

Ici, on ne peut que se réjouir de ce que le film évite l’essentiel de ces travers, grâce à une mise en scène vivante et des comédiens parfaits. Le jeu des acteurs fait parfois un peu daté (une belle collection de trognes, la moitié de la Comédie Française est au casting) mais cela colle finalement assez bien à l’idée que l’on se fait de l’époque et contribue à faciliter l’entrée dans l’œuvre.

Autre indéniable réussite, le suspens reste étouffant - alors qu’on connaît la fin ! – l’on ne sort pratiquement jamais des bureaux ministériels ou militaires. Cet enfermement rejoint le sujet, kafkaïen par essence, l’homme seul face à une machine administrative cruelle et absurde.

Admirablement campé par un Louis Garrel méconnaissable, Alfred Dreyfus ne se rend pas forcément aimable, et c’est aussi une intelligence de ses concepteurs que de ne pas forcément rendre sympathique une victime d’injustice. Et ce d’autant que ce postulat n’empêche pas de se sentir particulièrement bouleversé par l’abominable sort qui fut fait au Capitaine Dreyfus.

De son côté, Picquart fait un personnage presque monolithique dans sa volonté inflexible, sans même que cette noble quête ressorte chez lui de convictions idéologiques ou politiques, à tout le moins identifiables.

Et ce n’est probablement pas par hasard que Polanski réalise aujourd’hui le portrait filmé d’un obsédé de la vérité, envers et contre tous, et notamment contre la machine étatique et la vindicte populaire. Chacun en fera sa lecture et décidera si le cinéaste est légitime à le faire. En tout cas, ce film à la portée de tous offre intelligence, histoire et cinéma, il serait dommage de s’en priver pour des raisons aveuglément militantes.

Sébastien Bourdon

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