« Incroyable mais Vrai » de Quentin Dupieux

On savait le cinéma de Dupieux pour le moins personnel et original, mais porteur d’une morale, c’était plus rare et pas forcément toujours flagrant. Il n’est pas à exclure non plus que le réalisateur livre ici certaines inquiétudes à la fois plus personnelles et universelles.

Il y a d’abord comme une atmosphère de conte de fées dans ce nouvel opus. Un couple plus tout jeune (Alain Chabat, Léa Drucker), sans enfants, ont le coup de foudre pour une maison aussi bourgeoise que moderne. Le flou entretenu à l’image, au bord du cadre, amplifie l’impression d’irréalité, quand bien même tous jouent comme si tout était normal. Le film est ainsi tiraillé entre le fantasmatique et le concret.

La maison se révèle d’autant plus attractive pour l’épouse qu’elle recèle en son sous-sol une trappe aux pouvoirs mystérieux (et absurdes). Mais on n’en dira pas plus, ce serait dommage de divulgâcher, comme on dit de nos jours.

Sitôt l’acquisition immobilière faite, le couple y invite son patron et ami (Benoit Magimel) avec sa compagne (Anaïs Demoustier). Ce dernier, vulgaire et beauf, a aussi un petit secret : un moyen technologique de pointe pour augmenter sa virilité (là aussi, on reste taisant, on ne voudrait pas tuer le ressort comique).

Si l’on rit beaucoup, il est difficile de masquer longtemps le caractère tragique de l’œuvre. Ici, on est obsédé par le temps qui passe, l’amour qui s’use, le désir qui meurt.

Dupieux a beau, comme il sait si bien le faire, toujours pencher vers le délire, le fond est donc mélancolique, s’il n’est carrément triste : à l’image de Chabat, seul personnage a priori résolu à affronter paisiblement les inévitables souffrances humaines, mais qui se cogne aux délires et aux vaines vanités d’autrui.

La leçon vaut bien un film, et une morale, sans être moraliste toutefois.

Sébastien Bourdon