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I Love The Dead

Alice Cooper – Le Zénith, 8 novembre 2011

lundi 14 novembre 2011, par Sébastien Bourdon

La route, pourtant courte, fut longue jusqu’au Zénith parisien, tout le secteur du bâtiment semblant s’être donné la main pour faire du chemin jusqu’à la porte de Pantin un chantier impraticable en voiture. Sous une pluie diluvienne au surplus. Avec à bord, deux petits garçons, excités comme un soir d’Halloween. Bénies soient les goules et les sorcières, on n’a pas manqué le début.

Avec tous ces tracas routiers, on a quand même manqué le début de la première partie, mais comme souvent, ça ne devait pas être très grave. Le temps passant, voilà que les concerts de rock n’ roll sont assis et placés, et nous voilà donc installés derrière la sono, à nos places attribuées et inamovibles, dans un Zénith en petite configuration, mais bien rempli, preuve de l’affection de notre pays pour Alice Cooper (ce dernier visitant par ailleurs plusieurs villes françaises durant cette tournée).

Me voilà donc pour la quatrième fois à un concert d’Alice Cooper, leader du groupe du même nom qui inventa le « shock rock » au début des années 70. Je n’ai jamais été déçu par les prestations de cette vieille rock star sur laquelle l’âge ne semble pas avoir prise (63 ans). Il est vrai que le garçon n’a jamais cultivé un look de rocker sexy, mais plutôt de créature nocturne et maléfique, du coup, qu’importent les ravages du temps puisqu’ils complètent parfaitement le tableau.

C’est bien d’un concert qu’il s’agit, l’on y entend de la musique et de la bonne, mais l’ensemble relève plutôt du spectacle, voire du numéro. L’on est ici plongé dans une tradition scénique qui va du Grand-Guignol parisien aux films d’épouvante de la Hammer. Et c’est indéniablement réussi, presque touchant par le respect accordé au genre (jusqu’aux trucages grossiers, comme une ultime fidélité au style). Souvenons-nous qu’il arrive à ce chanteur de faire des apparitions dans des films d’épouvante, notamment dans le glaçant Prince of Darkness de John Carpenter (1987).

Ainsi si Alice toise et pointe le public, il ne lui parle pas, comme si une telle représentation ne supportait pas l’interruption, les salutations et remerciements étant exclusivement réservés à l’issue du show.

Lorsque s’éteignent les feux, le backdrop scénique est éclairé par l’arrière, illuminant un Alice géant, la main dominant un sinistre cimetière. La voix de l’immense acteur Vincent Price s’élève alors, comme dans le sublime « Welcome to my Nightmare » (1975) et c’est très logiquement avec un extrait de ce remarquable opus que débute notre soirée : « The Black Widow ». Notre héros est juché sur une estrade, doté de quelques bras supplémentaires pour le faire ressembler à une araignée humaine. Le son est puissant, le groupe, s’il n’a pas la subtilité de la formation des années 70, joue bien et vigoureusement. Les mélomanes noteront le retour de Steve Hunter à la guitare, musicien qui s’est notamment illustré avec Lou Reed (« Berlin ») ou Peter Gabriel. Sa présence constituera un apport qualitatif indéniable, même si le groupe ne manque par ailleurs pas de guitares (trois en tout, dont la jeune et sémillante Orianthi Panagaris, une fille, c’est toujours bien).

Alors que nous avions quitté Alice Cooper il y a un peu plus d’un an sur les pelouses du Hellfest, ce garçon a l’élégance de nous servir un tout autre show. Si les tubes en or massif sont inévitables (de « School’s Out » à « Feed My Frankenstein » en passant par « I’m Eighteen » et « Poison »), sont également tirées du haut-de-forme plusieurs raretés, de toutes les époques : notamment « Muscle of Love » (extrêmement tonique), « Hey Stoopid » et un somptueux « Halo of Flies » au milieu duquel fut interprété un duo basse-batterie qui ne m’a, oh surprise, pas rasé, inventif et joyeux qu’il était. Le dernier album n’eût droit qu’à un seul extrait avec le très stonien « I’ll Bite Your Face Off ».

De la même manière, le spectacle fut un peu moins théâtral qu’à l’habitude, du coup, la place laissée à la musique et à son interprétation a semblé plus grande, ce qui n’était pas regrettable au regard de la qualité des musiciens. Le répertoire était solide et le groupe ne l’était pas moins. Si l’ensemble évoque un numéro de cirque promené mille fois autour du monde, il reste donc toujours de la place pour les notes et le plaisir de les interpréter.

Rassurons toutefois les afficionados, Alice a débarqué avec un serpent autour du cou (« My Body »), a été chassé par un monstre géant (« Feed My Frankenstein ») et, tel un condamné à mort, a vu sa tête tranchée sous les hurlements de la foule (« Killer/I Love The Dead »). Pour l’éducation des enfants, c’est quand même autre chose qu’Eurodisney !!

Surtout plus impressionnant encore, la voix de Vincent Furnier (aka Alice Cooper) est impeccable, là, le poids des ans ne se fait pas sentir. Un regret justement lié à cela, l’on pouvait déplorer l’absence de clavier qui donne souvent de belles couleurs à la musique du Cooper, la teintant d’influences fleurant bon le piano-bar, la pop ou l’art rock, genres qu’il chante admirablement (n’oublions pas que Sinatra faisait partie de ses admirateurs, que Liza Minnelli a fait des chœurs pour le groupe et qu’il avait enregistré un titre pour un James Bond, « Man With The Golden Gun », qui ne fut finalement pas retenu, mais que l’on trouve sur l’album – chaleureusement recommandé - « Muscle of Love »).

Enfin, Alice Cooper est évidemment un peu moins habité que durant ses prestations des années 70, l’exécution est donc ultra professionnelle et léchée, mais rien à faire, c’est toujours frais et drôle. « Does humour belong in music ? » s’interrogeait Frank Zappa (la réponse est dans la question). A sa manière, Alice Cooper qui fût justement découvert par le guitariste moustachu, poursuit la noble tâche de distraire honnêtement les foules. Pourvu que ça dure.

Sébastien

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