« Hors Saison » de Stéphane Brizé

La caméra pénètre dans une station balnéaire bretonne au creux de l’hiver, au son d’une ritournelle qui n’est pas sans rappeler les travaux faits par Philippe Sarde pour Claude Sautet. Il y a d’ailleurs dans cette grisaille atlantique où vont se développer des sentiments quelque chose du cinéma de ce réalisateur emblématique, sauf qu’ici, peu de scènes de groupe et presque pas de copains.

Stéphane Brizé laisse cette fois de côté sa fibre sociale, mais ne perd pour autant pas son acuité dans l’exposition des sentiments et des rapports humains.

Matthieu (Guillaume Canet), acteur connu, tente de surmonter un projet théâtral audacieux abandonné en cours de route, et plus globalement une tenace crise de la cinquantaine, par une coquette balnéothérapie. Puissent la boue, les algues et et les massages le requinquer, mais rien de moins sûr.

Il traîne sa langueur dépressive quand surgit de son passé une femme aimée et cruellement abandonnée voilà quinze ans, Alice (Alba Rohrwacher), italienne devenue locale de l’étape.
S’il avait pu brutalement passer à autre chose, ce n’est pas tout à fait son cas, et elle traîne encore cette vieille douleur que leurs retrouvailles va raviver.

Tout en délicate langueur, après un début plutôt drôle, le film se colle au plus près de ses protagonistes pour capturer les gestes et les mots des sentiments qui se refusent à l’effacement.

Reprendre le fil, capturer le temps, il faut une écriture subtile et des acteurs qui ne le sont pas moins pour nous embarquer et on peine à trouver quoi que ce soit à reprocher à un film si joliment maîtrisé.

Au pays du temps gris, les larmes se mêlent souvent à la pluie, avant d’impromptues apparitions du soleil, et voilà un climat parfaitement au diapason des soubresauts de l’existence comme des changements d’humeur.

Tout passe, rien ne lasse, semblent nous chuchoter la mer et la musique (Vincent Delerm, dont on vérifie ici que c’est quand même vachement mieux quand il ne chante pas).

Sébastien Bourdon