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Here’s to the Loosers

samedi 12 août 2023, par Sébastien Bourdon

Dans ces banlieues cossues du Nord de l’Italie, on cultive son jardin. La retraite semble consacrée à la gestion de cet espace probablement chèrement acquis, et on y lutte pied à pied avec la l’inéluctabilité de la dégradation. Avec quelques excès parfois, ainsi de ce type armé d’un chalumeau portatif qui entreprend de méthodiquement dézinguer quelques herbes effrontées surgissant de sous le gravier blanc. Sauver l’artifice du surgissement du naturel par l’effet des flammes, et alors qu’il fait déjà 29 degrés, il fallait oser.

Sur la route, on a du temps, et reconnaissons aux services de musique en ligne comme aux podcasts l’indéniable progrès qu’ils constituent pour le voyageur à quatre roues.

Revient à nos oreilles une histoire moche qui a repris un peu d’actualité avec la survenance de ses 20 ans : la mort de Marie Trintignant. Une auteure inconnue de mes services - Anne-Sophie Jahn - a pondu un livre sur le sujet avec, dit-elle, force révélations sur le crime et une révision contemporaine de l’analyse d’époque. Elle se dit notamment choquée par les termes employés dans les médias au moment de la survenance des faits : l’on aurait utilisé un romantisme déplacé pour qualifier l’événement. Ceci posé, appeler son bouquin « Désir Noir  » (pour la référence à Noir Désir) me semble, s’agissant du wording, tomber du même côté de la tartine.

Mais ce qui m’est revenu de tout cela c’est l’amère sensation sensation d’un épouvantable dévoiement. Bertrand Cantat ne nous semblait pas appartenir à la triste caste des hommes violents, des blaireaux brutaux, il incarnait l’artiste éveillé, le conteur, pas le cogneur.

Cantat avait reconnu immédiatement les faits, et au mieux ce qu’on découvre ou redécouvre aujourd’hui, c’est un conjugué de bêtise mâle, entre celui qui frappe, puis qui téléphone à son prédécesseur pour raconter ce qui s’est passé, sans que cela ne déclenche quoi que ce soit, le frère de la victime qui passe voir les dégâts et qui retourne ensuite se coucher (« Ma reine, ma reine J’ai bien aimé ta paire de claques Et surtout ton dernier baiser » in « Des Visages, des Figures »).

Cette histoire lamentable et sinistre m’avait un peu vacciné de l’écoute de Noir Désir (dissocions l’œuvre de l’artiste, on parle d’un groupe, dont les autres membres n’avaient pas participé à cette ignominie). Et en réécoutant des années plus tard sur la route leur ultime disque, « Des Visages, des Figures » (2001), on se dit qu’on n’a pas souvent tenu en France un groupe à l’identité si forte, à la musique si personnelle et originale, renouvelant encore ce sentiment de désastre et de trahison.

« Je n’ai pas peur de la route
Faudrait voir, faut qu’on y goûte
Des méandres au creux des reins
Et tout ira bien là
Le vent nous portera
 »

Mais mettons autre chose, Lucio Battisti par exemple, ou le dernier Extreme (« Six ») qui gagne en qualité à chaque écoute.

« Here’s to the losers
And here’s to the ones who’ve fallen
(Get up) ’cause you’re not the only
(Get up) you’re one of the many
(Chin up) there are no excuses
(Drink up) here’s to the losers
 »

Après tous ces kilomètres, d’autres kilomètres, et au bout, finalement la Méditerranée. Elle fut longue à se montrer cet été, ce qui n’empêche pas cette étrange flemme ressentie une fois qu’on est posé devant. Il fait chaud, l’air est doux, à quoi bon se mouiller en plus ? On s’y jette quand même au bout d’un court moment, sinon avec quelles provisions tenir l’hiver ?

Sébastien Bourdon

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