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« Et Dieu Créa la Femme » de Roger Vadim (1956)
mercredi 3 septembre 2025, par
Nulle au Soleil
C’est toujours un exercice délicat que de s’attaquer à un film auréolé d’une gloire ancienne, promis à la postérité par le statut d’œuvre emblématique d’un temps.
Il arrive toutefois que les titres de gloire soient usurpés, et la pénible revoyure de cet opus confirme surtout que Roger Vadim n’était ni Douglas Sirk, ni Elia Kazan.
Quant à faire de lui un précurseur de la Nouvelle Vague du fait de sa liberté de ton, merci, mais non merci. On lui saura seulement gré d’avoir fait place à la jeunesse dans les salles obscures.
Dans un port de Saint-Tropez d’avant les ultra riches, Juliette (Brigitte Bardot), fille de l’assistante publique placée en famille d’accueil, traîne sa langueur érotique auprès des hommes du coin.
Pas bégueule, elle ne regarde guère à l’âge ou à la fortune, se donnant ou se refusant plus ou moins à chacun, mais sans manquer d’aguicher avec ce qu’il faut de nudité et de de poses maniérées (elle est tout le temps pieds nus, ça fait rebelle).
On notera qu’elle aime aussi beaucoup les animaux, du lapin au chat, en passant par l’oiseau.
Il y a bien une intrigue, pâle dérivé scénaristique de la prose inventive et généreuse de Marcel Pagnol, qui vient se greffer sur ce personnage : un riche entrepreneur américain (joué par… un allemand, Curd Jürgens) lorgne sur la cale des frères Tardieu pour réaliser une juteuse opération immobilière.
Ces derniers, attachés à ce lieu qui est aussi leur outil de travail (la réparation de bateaux), se trouvent alors pris dans les manœuvres du cynique entrepreneur qui va tenter d’utiliser Juliette et les sentiments qu’ils éprouvent à son endroit pour générer une zizanie qui lui sera profitable.
Cette description des ambitieux et des cyniques n’effleure jamais le drame balzacien, mais tutoie plutôt les sommets de la telenovela brésilienne.
Les comportements décrits sont absurdes, les dialogues sont indigents (« J’ai peur, c’est difficile d’être heureux ») et l’alternance de prises de vue réelles et de studio ne donne jamais la moindre crédibilité à ce qui se passe à l’image. Quant au casting, même Trintignant est mauvais, c’est dire.
Si on parvient à ne pas s’endormir, on constate surtout combien cette femme dont il est dit dans le titre qu’elle serait créée par le Tout-puissant (le réalisateur ?) est une caricature née d’un regard masculin antédiluvien, et certainement pas la révélation d’une féminité libérée.
« Bardot est une femme pour qui les mots « adultère », « abandon du domicile », « fidélité », « réputation », n’ont plus aucun sens. Elle n’a plus la notion du péché », écrivait Antoine de Baecque. En réalité, en affichant à l’écran une inhabituelle décontraction de mœurs pour l’époque, Roger Vadim nourrit tout du long les clichés les plus tartes sur la gent féminine.
Sébastien Bourdon