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« Emilia Perez » de Jacques Audiard

mercredi 11 septembre 2024, par Sébastien Bourdon

Le Naturel au Galop

Il arrive que cela prenne un peu de temps et des efforts réitérés en salle obscure pour enfin se trouver confronté à quelque chose qui ressemble à du cinéma. Sur ce coup-là, on va dire qu’on a été servi.

Jacques Audiard n’était certes pas devenu tricard dans nos services, mais ses derniers efforts ne tenaient pas forcément leurs promesses : « Les Frères Sisters » (2018) était un bon film mais pas un grand western, quant à « Dheepan » (2015), il ne dépassait pas le cadre de sa maîtrise formelle, jusqu’à en devenir creux.

Sur le film dont il est ici question, on ne peut pas dire que le cinéaste français ait manqué d’audace ou d’appétit. Si on résume hâtivement : un chef de gang mexicain change de sexe pour disparaître (Karla Sofia Gáscon) et, devenu femme, cherche à retrouver la compagnie de ses enfants et à faire le bien, aidé en toutes ses tâches dangereuses et complexes par une jeune avocate (Zoé Saldana). Se présentait là un scénario particulièrement casse-gueule.

Deuxième écueil et pas des moindres : Audiard ne se contente pas d’un film, mais en fait une comédie musicale, voire un opéra.

Et puis, ces femmes - d’origine ou après les travaux - qui envahissent avec bonheur l’écran ne transforment jamais le propos en pensum contemporain. Il se trouvera certainement quelques grincheux de tous bords pour se plaindre de la représentation ici faite du transsexualisme, mais Audiard a parfaitement intégré l’abécédaire de Pedro Almodovar.

« Emilia Perez  » redonne surtout une vitalité cinématographique à l’opéra-comique, dans tous ses aspects : la musique, les couleurs et la tragédie (qui n’exclut pas la joie et le rire). Jacques Audiard dispose de toutes les compétences techniques pour faire scintiller tout cela à l’image.

Le cinéaste fait en effet montre d’une créativité intacte, en ne se défaisant pas - et c’est heureux - de son habituelle maestria flamboyante. Ainsi, de la violence directe qui est cette fois escamotée ou presque : ce n’est pas ce qu’il souhaite mettre en son et images, du moins pas cette fois-ci, plus intéressé qu’il est par le ballet des dames que celui des armes.

Enfin et surtout, l’intégration du chant et de la danse se fait avec un naturel déconcertant, et ce d’autant que ce sont les interprètes eux-mêmes qui s’y collent, servant des ritournelles particulièrement entraînantes.

Plein les mirettes et les esgourdes, on a tout du long frétillé de joie sur son fauteuil, et ça aurait duré plus longtemps que l’on ne se serait pas plaint.

Sébastien Bourdon

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