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« Drunk » de Thomas Vinterbergh

jeudi 20 mai 2021, par Sébastien Bourdon

Drink to my Health

On parle beaucoup ces temps derniers du mâle blanc de plus ou moins cinquante ans, et pas forcément en bien. A en croire ce film, ce spécimen commun sous nos tropiques n’est pourtant pas dans une forme éblouissante.

Quatre professeurs danois, plus ou moins grisonnants ou bedonnants (exception faite du sublime Mads Mikkelsen), semblent un peu en bout de course psychique. Ils sont comme coincés dans une vie bourgeoise dont ils ne savent même plus si elle leur convient et en quoi elle se rattacherait d’une quelconque manière à leurs idéaux de jeunesse.

Pour faire taire cette langueur qui les étouffe, ils optent scientifiquement pour l’enivrement dosé et en continu, suivant en cela les préceptes d’Hemingway (« l’alcool conserve les fruits et la fumée les viandes ») et d’un psychologue norvégien.

Évidemment, cette recette du bonheur fera son temps, et nos lascars seront cueillis par une inévitable gueule de bois.

Rarement aura été aussi bien filmée une forme pourtant établie de détresse masculine. Une souffrance sans gloire, ni même péril. Appelons cela dépression, même si son degré de gravité n’est ici pas le même selon les personnages.

Le corps de l’homme doit depuis la nuit des temps être sous contrôle, de la chasse au mammouth à la gestion du compte clients, le mâle doit se tenir debout. Ici tout glisse, tout leur échappe et l’alcool - qu’ils ne contrôlent finalement pas non plus - ne fait que révéler un épuisement, un effondrement préexistant.

Et puis, ce qui manque à ces gens qui ont la vie la plus paisible et la plus sûre de l’histoire de l’humanité, c’est la possibilité de l’euphorie. Faute de savoir comment la trouver dans l’effort ou l’introspection, ils ont recours à des moyens factices et mortifères (« Dans ce pays tout le monde boit ! » s’exclame l’épouse de l’un d’eux).

Las, boire comme lorsqu’on était jeune et plein d’avenir ne vous restitue rien. Ils boivent comme des trous, mais le désespoir est un puit sans fond.

Si le film est malgré tout un peu prévisible, avec une narration parfois un peu boiteuse (l’alcool sans doute), il emporte le morceau, quand bien même il nous prendrait beaucoup par les sentiments.

Il y a en effet une justesse de ton qui ne peut laisser de marbre. Ainsi du regard porté sur ces hommes un peu couillons, sur le travail, les femmes et les enfants dans le monde occidental contemporain est remarquable.

Nos protagonistes ne savent plus quoi faire de leur existence mais comment les blâmer : c’est un dur métier de vivre. Ce n’est certes pas un scoop, mais c’est joliment présenté.

Sébastien Bourdon

« A la fin tu es las de ce monde ancien » Apollinaire in « Alcools »

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