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Come Together

Hellfest 2014 (20, 21 et 22 juin 2014)

vendredi 27 juin 2014, par Sébastien Bourdon

Selon mon épouse, le pire n’est pas que je l’abandonne avec nos trois descendants pendant près de cinq jours pour le festival, c’est de gérer ma dépression post-Hellfest la semaine qui suit mon retour. Il faut dire que cet « Enfer », c’est vraiment le Paradis (elle était facile, je n’en disconviens pas).

Alignement des astres, alors que le Hellfest réalise sans doute la plus belle affiche de son histoire - Iron Maiden, Aerosmith et Black Sabbath en têtes d’affiche, excusez du peu - voilà qu’en plus, il fait beau. Mais vraiment beau, on se croirait presque à l’été 76, époque où justement de nombreux groupes programmés cette année connurent leur heure de gloire (mon enfance en somme). Tout semble donc indéniablement en place pour un festival particulièrement réussi.

Me concernant, l’assertion est d’autant plus pertinente que je disposerai cette année d’un pass « VIP Presse Backstage ». Dans « Le Monde d’Hier », Stefan Zweig cite ainsi Balzac : « les gens célèbres étaient pour moi comme des dieux qui ne parlaient pas, qui ne marchaient pas, ne mangeaient pas comme les autres hommes. » Poursuivant ce propos, l’autrichien ajoute : « c’est là précisément ce que nous avions éprouvé. Le fait d’avoir rencontré dans la rue Gustave Mahler constituait un évènement qu’on rapportait le lendemain à ses camarades comme un triomphe personnel, et quand un jour je fus présenté à Johannes Brahms et qu’il me frappa amicalement sur l’épaule, je demeurai plusieurs jours tout égaré par ce fait prodigieux. »

J’en suis exactement là avec les artistes que j’admire et vénère. Avec ce pass, je devrais bien arriver à m’évanouir de joie une ou deux fois.

Vendredi 20 juin

En entrant sur le site, on a beau avoir été dûment informé des modifications et améliorations apportées, on ne peut qu’être sacrément impressionné par les efforts fournis pour donner aux lieux une atmosphère encore plus riche : reconstitution de la Camden Street londonienne (le « Hell City Square »), sculptures diverses, habituelles constructions métalliques, corbeau géant, grande roue… Tant et si bien qu’on peine à croire que tout cela relève de la construction provisoire. Le Hellfest est peut-être un monde enchanté, hors de l’espace-temps habituellement fréquenté, et dont la porte ne s’ouvre qu’une fois par an, pour trois jours seulement. Le reste du temps, il existe toujours, quelque part dans les limbes de notre imaginaire sans doute.

Autre choc pour les habitués, la foule hallucinante qui se presse sur les lieux. On parle de 45 000 personnes, score jamais atteint jusque là. Avec la chaleur écrasante qui règne et la poussière en suspension, on pressent déjà que le week-end sera extrêmement physique.

Cette température presque hors norme provoque également la formation de longues files pour acquérir les précieux jetons permettant de s’approvisionner dans les nombreux bars, eux aussi déjà pris d’assaut. Pendant l’attente, on écoute d’une oreille distraite, mais intéressée, le groupe Satan sur la Mainstage. Ce nom quand même, je n’ose imaginer quelles furent les autres propositions lorsqu’il s’est agi de baptiser le groupe.

Ne résistant pas au plaisir de rejoindre ce lieu réservé à une minorité, je fais mes premiers pas au VIP. J’y ai tout de suite croisé la merveilleuse Laura Pleasants, ci-devant guitariste et chanteuse de Kylesa, mais autant vous l’avouer, je n’ai pas osé l’aborder (je suis timide avec les vedettes, encore plus si ce sont des filles).

Le carré VIP du Hellfest, c’est un peu comme le Hellfest, mais en mieux, en tout cas s’agissant du confort. La nourriture y est moins variée mais meilleure, il y a même des glaces artisanales (j’ai pris fraise, c’est ce que je préfère). On trouve des tables avec un peu d’ombre et une décoration de fin du monde encore plus chiadée ainsi que, c’est appréciable, des toilettes nettement moins envahies.

Sinon, les filles y sont peut-être plus jolies, j’en ai notamment vu une allongée sur l’herbe devant l’entrée des loges des artistes, un peu maigrichonne et fort peu vêtue, qui semblait langoureusement attendre un loup pour la dévorer. Quant aux garçons, il ne m’a pas semblé qu’ils soient moins poilus (à part moi peut-être).

Reprenant mes marques sur le site, j’écoute Powerman 5000 sur la Mainstage d’une oreille discrète, cette dernière m’indiquant que la fuite est à envisager, j’obtempère donc à cette saine injonction auditive.

Je tente ensuite les français de Loudblast sous l’Altar, ce qui se révèle infiniment plus conséquent, mais la foule rend impossible l’entrée dans les lieux (évènement qui se reproduira hélas). Or, en ce début d’après-midi, si on n’est point sous chapiteau, on est en plein cagnard, alors sans image et avec peu de son, je renonce pour un peu de shopping.

Les irlandais de Therapy ? se produisant sur la Mainstage 1, je me fais une joie de retrouver ce groupe un peu oublié de mes étagères chargées, et qui vaut finalement toujours la peine, visiblement. Enthousiastes de jouer devant tant de monde, les musiciens ne mesurent pas leurs efforts et alignent beaucoup de tubes nullement nostalgiques et encore pertinents. Lorsqu’ils ne jouent pas leur répertoire, ils font montre de leur bon goût en s’appropriant aussi bien Joy Division avec « Isolation » que Judas Priest pour un « Breaking the Law » de circonstance en ces lieux (reprises qu’on trouve sur leurs albums et qui résument finalement assez bien leur son et leur démarche).

On se repose ensuite sous les arbres en mangeant gras - argentin paraît-il, en écoutant distraitement et de loin se succéder sur les Mainstage les épouvantables Trivium et le décidément pénible Rob Zombie. Heureusement, Kylesa nous ravive sous la Valley. Toujours mue par deux batteries, leur musique serpente, oscillant entre lourdeur pachydermique, phénoménales accélérations et langueur mélancolique. La part féminine de ce groupe, et sans doute la plus charismatique, assumée par la délicieuse Laura Pleasants dont je vous parlais ci-dessus. Cette dernière m’enchante toujours et ce d’autant qu’elle a mis de la douceur dans son chant. Et quand elle crie, je fonds littéralement. Un petit bémol toutefois, le nouveau deuxième batteur faisant plus office de percussionniste, cette évolution du son nous prive un peu de cette jouissante sensation d’oppression rythmique que le groupe était capable de produire à une époque.

A regret, nous partons avant la fin du concert pour rejoindre la Mainstage 1 et Iron Maiden qui vient. Las, c’est déjà la foule des grands jours, et même en jouant des coudes, nous réalisons que nous n’approcherons jamais beaucoup de la scène. Le concert de Sepultura s’achève sur la Mainstage 2 attenante ce qui nous permet de patienter, c’est toujours plaisant, surtout quand l’hymne « Roots, Bloody Roots » résonne au soleil couchant, avec force nuages de poussières déclenchés par la folle agitation qui règne dans le « pit ».

Il y a du monde partout et de tous côtés, mais cette situation inconfortable, en plus de la distance et du son discutable, ne parvient pas à gâcher la joie ressentie à l’arrivée sur scène des glorieux anglais. Bruce Dickinson est magistral et dans une forme vocale stupéfiante (son interprétation de « Revelation » m’a fait littéralement frissonner). Et avec ça, il est taquin, nous révélant au fur et à mesure le score du match France Suisse se déroulant au même moment au Brésil.

Autour de nous tout le monde chante, et on réalise, à voir tous ces gens amassés et heureux, l’importance cruciale de la musique de ce groupe et la part prépondérante qu’a pris chacune de leurs chansons dans nos vies après tant d’années. On peut affirmer que le groupe a encore réuni toutes les chapelles métalliques, enthousiasmant dans un même élan les néophytes comme les fans historiques (« mettre tout le monde d’accord » est une expression inventée pour ou par Maiden). Après eux, que nous restera t’il pour être aussi heureux tous ensemble ?

Le concert achevé nous renonçons à un Slayer qui n’est plus ce qu’il était pour un Death qui n’est plus, mais dont la musique jouée par quelques survivants semble diablement vivante. Vive et intelligente, exigeante pour ses musiciens comme pour son public. Une énergie de noctambule nous gagne alors, quand on croyait avoir laissé toutes nos forces dans le beau spectacle de Maiden. A l’issue du concert, les musiciens de Death reviennent longuement saluer le public, visiblement émus par l’enthousiasme de ce dernier.

Il est maintenant minuit, c’est déjà demain, mais après tout ce death metal, un peu de black du même genre s’impose avant d’aller faire dodo. Enslaved le pratiquant dans son penchant mélodique, on fera de plus beaux rêves encore. Groupe norvégien (forcément) à la musicalité impressionnante et qui sur scène se révèle extrêmement précis. L’aspect réellement chanté par le titulaire des claviers (Herbrand Larsen) rend plus impressionnantes encore les vociférations gutturales du bassiste (Grutle Kjellson). La journée s’achève sur cette sensation de belle violence de laquelle surgit une superbe mélodie.

Samedi 21 juin

De retour sur le site en tout début d’après-midi, règne comme une forme un peu décalée de quiétude. On a pris nos marques, on est bien, et à partir de là, on le sait, ça va malheureusement passer trop vite.

Sur la Mainstage se produit Buckcherry, on ne peut pas dire que cela soit désagréable, mais ça ne casse pas trois pattes à un canard, même de métal laqué.

Lorsque l’oreille n’est point trop occupée et que l’on arpente le site, le corps est happé par la chaleur et l’œil troublé par cette vision : les filles sont en maillot, alors qu’il n’y a même pas la mer. Il faut reconnaître que les efforts vestimentaires de certaines festivalières diffèrent quelque peu des années précédentes ou les frimas n’avaient pas permis de telles privautés.

J’en ai même vu certaines en simple culotte avec des autocollants sur les tétons (gloups). Ces dernières se révéleront être généralement là pour promouvoir des marques de vêtements ou bijoux quelque peu sexy, et donc en représentation. Au Hellfest, le capitalisme est poussé dans ses ultimes retranchements.

La journée commence réellement avec les merveilleux Walking Papers. Pas de fioritures, du charisme, du jeu et c’est parti pour une trop petite heure de rock n roll. Ce groupe mériterait plus de temps de jeu et une meilleure heure de passage en termes d’exposition, mais tout constitué de vétérans qu’il soit, cela reste une formation récente. Leur chanteur et guitariste, le flamboyant Jeff Angells s’offrira une descente de scène au sein d’un public enthousiaste et comme ému de cette soudaine proximité. J’en ai profité pour lui serrer la main.

Avant de remonter sur la scène pour les dernières notes de la chanson, il nous a dit « I’ll be back ». On t’attend Jeff, reviens quand tu veux.

A ce stade de la journée, plus d’interrogations, même métaphysiques : la fatigue ? Quelle fatigue ?

Un peu plus tard dans l’après-midi, j’entame des retrouvailles avec des amours anciennes, le groupe Extreme sur la Mainstage 1 (la dernière fois, c’était au Zénith de Paris le 5 octobre 1991). Ces garçons moulinent un funk rock blanc qu’on est en droit de trouver discutable, mais que j’avoue apprécier, d’autant qu’ils se risquent parfois à une fantaisie de bon aloi qui en ferait presque des héritiers américains – certes plus vulgaires - de Queen (« Three Sides To Every Story » 1992). Au surplus, les musiciens sont exceptionnels, ce qui ne gâte rien. Nuno Bettencourt arpège à tout va, en compétent héritier d’Eddie Van Halen.

Le groupe a connu un immense succès international en 1990 avec la ballade acoustique « More Than Words », sur laquelle j’avoue avoir frissonné lorsqu’elle fut ici reprise par la foule. Tous ces prétendus satanistes réunis célèbrent fort bien l’amour, il faut le dire.

Découvrant tardivement que mon « pass backstage » me permet en réalité de découvrir l’envers du décor et de regarder les concerts sur les côtés de la scène (comme les vedettes et parfois, avec les vedettes), je tente une première fois l’aventure avec le concert de Clutch sous la Valley, démarche d’autant plus justifiée qu’il n’y a pas un centimètre de libre sous la tente.

Alors que j’étais fort bien placé, las, les nécessités du service me renvoient brutalement plus en arrière du backstage, en plébéien que je n’ai en réalité jamais cessé d’être. De ce fait, me voilà trop loin pour avoir une vue d’ensemble et dans l’impossibilité de me rendre dans la fosse, remplie à craquer. Le type nous ayant imparti de renoncer à nos bonnes places, y mettant finalement certains de ses amis, j’opte pour la révolte, on ne va quand même pas au Hellfest pour respecter les interdictions. Je passe donc de l’autre côté de la scène, où se situe la console, monte l’escalier, enjambe la barrière et me positionne à côté de Nick Oliveri (ex bassiste de Kyuss et Queens Of The Stone Age) pour regarder le concert. Joie, victoire, triomphe même. Ça doit être cela la « Crucial Velocity » que chante Clutch.

En sortant, je force un peu mon naturel réservé et sollicite même un petit selfie avec Nick Oliveri (il faut bien vivre avec son temps), garçon qui se révèle tout à fait charmant, contrairement à la sulfureuse réputation qui lui est faite (et à laquelle il contribue un peu, il faut bien le dire).

Retour sur la Mainstage 2 pour écouter Deep Purple. En attendant leur arrivée, nous subissons les derniers feux mal éteints de Soulfly. Ce qui en ressortait ressemblait à un concert de basse saturée sur laquelle se greffaient de mauvaises percussions et les vociférations limitées du vocaliste Cavalera (« Jump ! Jump ! »). Se méfier des rastas blancs, toujours.

Heureusement, Deep Purple va nous réconforter de fort belle manière. Je n’en attendais pas forcément grand-chose, mais nos fringuants sexagénaires se sont révélés complètement enthousiasmants, tout en maîtrise souriante. Piochant ça et là dans leur répertoire (« Lazy », « Space Truckin’ », « Hard Lovin’ Man »...) livrant même quelques extraits de leur remarquable dernier album sorti l’an passé, « Now What ?! », faisant ainsi montre d’une créativité et d’une envie non éteintes (le morceau « Uncommon Man », extrait dudit dernier opus sera d’ailleurs la ritournelle qui nous restera en tête lorsqu’à trois heures du matin nous retrouverons enfin notre lit douillet). Une vie pareille, comment avoir envie de l’arrêter, le plaisir, le sourire, on n’en sortira que les pieds devant semblent-ils nous dire.

Puis vint Aerosmith sur « Back in the Saddle », devant une foule en liesse, titre sonnant d’ailleurs comme un rêve d’éternel recommencement, tomber de cheval, mais toujours remonter dessus. A l’instar de la Vierge de Fer la veille, les bostoniens font le plein et au-delà, on respire à peine tant nous sommes agglutinés. On n’envie pas les petits dans un moment pareil.

Les musiciens semblent physiquement fatigués (mais qu’est-il arrivé à Joe Perry ?), mais cela ne se ressent pas à l’écoute, entre diamants noirs des années 70 (« Rats in the Cellar », « Same Old Song and Dance », « Mama Kin »...), et tubes en or massif des années 80 et 90 (« Cryin’ », « Dude », « Livin on the Edge »...) Aerosmith enchante l’audience.

Les esprits chagrins trouveront sans doute cela un peu léché. Il s’agit d’un Barnum à l’américaine avec force lumières et confettis certes, mais, si ce n’est peut-être le manque de spontanéité, il n’y a rien à jeter, d’autant que le toujours souriant et bondissant Steven Tyler se révèle encore à soixante six printemps toujours plein d’un allant et d’une drôlerie presque juvéniles.

Les bostoniens n’oublient pas de jouer « Dream On » avant de partir (avec piano blanc, tant qu’à faire), ce qui constitue exactement notre programme pour la courte nuit qui vient.

Dimanche 22 juin

Le troisième jour, en se levant, difficilement et douloureusement, on pourrait fugitivement considérer que deux jours auraient suffi. Et ce d’autant que la programmation du dernier jour est moins alléchante, le plus palpitant est concentré en fin de journée, nous obligeant à moult sacrifices. Comme le disait un festivalier de ma connaissance, le Hellfest devrait durer une semaine et être remboursé par la Sécurité Sociale.

Au surplus, si c’était possible en Loire-Atlantique, il fait encore plus chaud en ce dimanche de juin.

En arrivant au coin VIP, je vérifie à petite échelle cette évidence habituelle au festival, ici, il y a plus de queue aux toilettes des garçons que chez les filles. On progresse certes plus vite en termes de féminisation qu’à l’Assemblée Nationale ou dans les conseils d’administration, mais il y a encore un peu de chemin à faire.

Je tente enfin un petit tour sur la Warzone pour écouter du "oi" (comprendre du punk, en l’espèce le groupe Last Resort). Au milieu des vignes, c’est un petit peu plus clairsemé que sur le reste du site, mais la chaleur y est épouvantable, pas un début de commencement d’abri pour se protéger de l’astre divin.

Ecoutant vaguement la musique, j’observe les fans. Il est toujours amusant de croiser ces punks tatoués de la tête aux pieds, mais certains équipés de bouchons d’oreilles et fumant des cigarettes électroniques. Mais ne vous y trompez pas pour autant, ici, c’est du brutal, on n’est pas là pour plaisanter.

Un peu lassés par l’aspect rébarbatif du genre, nous partons sous la Temple pour tenter Equilibrium. La quête désespérée d’ombre est sans doute ce qui a motivé notre mouvement, parce que pour la mélomanie, ce black métal celtique nous oblige à un repli rapide.

On se réfugie alors sous la Valley, généralement plus à même de nous fournir en sons de guitares gras et velus. Ça s’appelle House of Broken Dreams et cela tient ses promesses. La poussière est aveuglante même sous la tente mais, tout irrespirable que cela soit, ce n’est pas sans contribuer parfaitement à l’ambiance. J’en profite pour utiliser mon sésame et faire un tour à l’arrière scène. Sous la scène une jeune fille fait la sieste, spectacle charmant.

Cette énième petite promenade se révèlera finalement plus amusante que la musique de cet aimable trio, ce dernier souffrant d’un relatif manque d’originalité.

Enfin Satan, le vrai, nous rend visite avec les black métalleux polonais de Behemoth. Pour mettre dans l’ambiance, les musiciens grimés, hiératiques, montent sur la Mainstage au son délicat de cris de porc qu’on égorge. Après avoir allumé force candélabres, le groupe envoie des riffs qui sonnent comme des giclées de sang. L’astre solaire apeuré se couvre même pudiquement pour la première fois de la journée de quelques nuages ! Le leader Nergal (qui portait un très joli collier fait de restes de poulets sanguinolents) a un charisme indéniable, mais le genre est quand même un peu écrasant et il nous aurait sans doute fallu quelque chose d’un peu plus primesautier pour nous extraire de la torpeur dans laquelle la fatigue et la chaleur nous ont plongés.

Les festivités polonaises achevées, Soudgarden débarque sur l’autre Mainstage avec « Searching With My Good Eye Closed » extrait du magnifique « Badmotorfinger » (1991). A l’écoute, on ne ressent pas forcément de nostalgie mais une joie certaine à se plonger dans ces effluves du grunge de notre jeunesse enfuie. Si Matt Cameron (batterie) est absent pour cause de présence requise pour une tournée européenne de Pearl Jam (qui ignore d’ailleurs la France), le groupe se révèle néanmoins sacrément percutant (ledit Matt Chamberlain n’est pas franchement un manche). Il est d’ailleurs temps que ma génération prenne un petit peu plus d’assaut la Mainstage et qu’une journée d’un Hellfest futur soit franchement consacrée à la scène de Seattle des années 90, scène qui a sans doute amené beaucoup de monde au heavy metal.

Le concert se poursuit avec quelques merveilles comme « Rusty Cage », mais si l’exécution est irréprochable, le son n’est pas formidable et Chris Cornell pour séduisant qu’il soit, n’atteint que rarement les sommets vocaux produits sur disque. De ce fait, l’intensité dramatique de leur musique y perd un peu et le concert semble comme insuffisamment habité.

Dieu merci, n’est pas oublié de la set-list le titre « Jésus Christ Pose » qui s’imposait définitivement au Hellfest !

Je renonce (honte sur moi et trois générations) au black métal d’Emperor reformé pour retrouver un vieux complice des lieux, Wino, officiant cette fois au sein de Spirit Caravan, sous la Valley, évidemment. Impeccablement placé derrière la scène, j’y retrouve mon nouvel ami Nick Oliveri pour headbanguer en cadence. Je note également à côté de nous la présence de quelques créatures à la peau très blanche, que l’on croirait sorties d’un épisode de « True Blood », ce qui ne gâte rien à l’ambiance.

On officie dans un genre de doom poisseux et particulièrement groovy, tout ce qu’on aime sous la Valley en somme. On parle beaucoup de Phil Anselmo comme agent d’ambiance du Hellfest (il fut toutefois assez discret cette année), mais il ne faudrait pas oublier Wino qui illumina les éditions précédentes avec St Vitus et The Obsessed.

De là où je me trouve, je discerne dans le public nombre de mes amis, sourire aux lèvres à l’écoute de cette musique. Pour certains, on s’est courus après tout le weekend, sans jamais réussir à se rattraper et nous voilà presque tous réunis alors que le festival touche à sa fin. Nous avons bon goût : c’est indéniablement un des meilleurs spectacles de l’édition 2014.

Je les rejoins dans la fosse pour partager tout cela ensemble. Nous aurions peut-être pu en arrêter là, mais Black Sabbath joue sur la Mainstage, il ne saurait être question de n’en rien entendre.

De loin (pas le choix vu la foule), nous regardons donc les parrains du heavy metal, groupe qui n’en finit pas de ne pas vouloir mourir. Au regard de la qualité des compositions et de leurs interprètes, si pathétique que cela soit, cela reste très beau, si éloignés de la scène soyons-nous. Seule faute de goût, mais majeure, ce batteur de pacotille – Tommy Clufetos - embauché pour remplacer Bill Ward. S’il fallait faire un mauvais choix, le management d’Ozzy a carrément décidé de faire le plus mauvais possible. Une boîte à rythmes peut avoir plus de swing, je n’en doute pas. Le jeu subtil du batteur d’origine est ici massacré par un batteur américain de stade.

C’est regrettable car nos trois honorables grand-pères sont encore capables de produire des choses intéressantes, leur dernier album (« 13 ») nous laissant même à penser que leur créativité n’est pas éteinte (avec Brad Wilk à la batterie et non pas l’horrible cogneur ci-dessus évoqué).

La distance et ce parfum de « ce n’est plus ce que c’était » devenant vraiment trop prégnant, nous voilà de retour sous la Valley pour Unida, groupe mené par John Garcia (ex Kyuss, Hermano, Vista Chino…). Pas de surprise, la qualité est là, l’enthousiasme fait beaucoup dans la musique, nous permettant de conclure dans cet exact état d’esprit cette édition 2014 du Hellfest.

A l’issue du concert, je tourne encore quelques instants en ces lieux qui seront bientôt fermés, m’en imprégnant encore un peu. La musique était bonne, la bière était fraîche, le soleil avait asséché le sol pour n’en faire que de la poussière. Puissions-nous à son instar tourbillonner encore puis, notre temps venu, tourbillonner toujours.

En quittant les lieux, et on est garé loin, dépourvu de toute corde vocale et les lombaires en compote, je réalise que ce pass aura surtout été pour moi un moyen de m’approprier encore plus le Hellfest, d’avoir été ainsi partout chez moi, au hasard d’une libre promenade.

Sébastien

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