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« Chien de la Casse » de Jean-Baptiste Durand

lundi 15 mai 2023, par Sébastien Bourdon

Quel Souci (Montaigne et La Boétie)

Miralès (Raphaël Quenard) a un chien qui s’appelle Malabar et un ami qu’il appelle « Dog » (Anthony Bajon), et tout ce petit monde crèche dans un bled de l’Hérault, dans un monde pas moins petit donc.

Miralès traîne sa dégaine dégingandée, deale vaguement un peu de shit dans la région, gère une mère dépressive qui ne sort pas de chez elle, zone avec les copains. Il cause beaucoup, tout le temps, et sous cette faconde se révèle un homme infiniment plus complexe et cultivé qu’on pourrait d’abord le penser (le goût des livres et du piano, finement disséminé par petites touches, sous forme de saynètes délicates).

Il se rêve ailleurs (mais où ?), il se sent trop inadapté pour végéter éternellement ici, et on peut difficilement l’en blâmer, si la région n’est pas sans charme - ce que la caméra lui rend bien - l’hiver, c’est un peu à se pendre.

Même ses affections, quand bien même il s’y tient fidèlement, lui semblent insuffisantes : il couvre ainsi Dog d’une affection débordante mais sacrément vacharde, ne manquant jamais une occasion de le tancer cruellement.

Bon gars, Dog se laisse faire, jusqu’au surgissement d’une jeune femme dans le village (Galatéa Bellugi). Étudiante en lettres, venue garder la maison de sa tante, elle tue le temps hors saison en fumant du shit et en couchant avec Dog, en attendant de retrouver son copain officiel.

Évidemment, notre jeune homme renfrogné trouve dans cette relation amoureuse un début de commencement de moyen de se défaire un peu de l’écrasant Miralès.

L’amitié masculine a rarement été aussi bien montrée à l’écran. Il s’agit ici d’une passion cruelle et fondatrice : on n’est pas amis, on est frères, car il n’est pas au programme d’être amants. L’intensité d’un sentiment amoureux sans le soulagement physique (à l’exception de quelques vigoureuses baffes de temps en temps). Il y a tout ce qui fait l’amour, même le besoin d’exclusivité - ou du moins l’exigence d’un rapport particulier à l’autre - dans lequel personne et notamment une femme ne doit interférer.

Jean-Baptiste Durand filme des êtres dans des situations que l’on pourrait croire convenues ou caricaturales, mais leur restitue toute leur grâce et leur humanité. Ainsi, ces jeunes hommes à la virilité fragile plutôt que toxique, c’est rafraîchissant.

Ces liens qui se nouent au milieu de nulle part, la présence d’un animal fidèle, des paysages désolés, des bandits en embuscade, pour un peu, on se croirait chez John Ford ou Howard Hawks, et ce n’est pas la moitié d’un compliment.

Sébastien Bourdon

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