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« Anselm. Le Bruit du Temps » de Wim Wenders

mardi 24 octobre 2023, par Sébastien Bourdon

Have a Cigar

D’Anselm Kiefer on ne savait rien ou presque, béotien de l’art contemporain que l’on est. Une interview radiophonique où l’homme se révélait passionnant et charmant, s’exprimant dans un français impeccable et la présence de Wim Wenders derrière la caméra, ont suffi à convaincre du déplacement en salle.

Bien nous a pris tant le film s’est révélé particulièrement passionnant sur le fond, comme sur la forme, ce qui se justifiait pour le moins en l’espèce, s’agissant de nous immerger dans un artiste-plasticien et son œuvre.

Wenders par un découpage et un montage audacieux ne cherche pas forcément à nous livrer un portrait chronologique et précis de l’artiste. Comme un tableau complexe qui se ferait sous nos yeux, touches par touches, sans ordre particulier, s’ébauche ainsi la représentation d’un homme et de son œuvre.

Né en 1945 dans les cendres fumantes d’une Allemagne honnie et défaite, d’abord par la provocation puis par la réalisation d’œuvres gigantesques, Kiefer s’attaque dès l’origine à une représentation de son pays. Il le confronte en ce sens à lui-même et à son histoire, représente sa géographie brisée, entre ruines et scission brutale en deux pays.

Il se frotte donc à l’histoire des hommes, mais aussi à celle des idées, puisant notamment dans la philosophie (et le dévoiement national-socialiste) de Martin Heidegger, comme dans la poésie de Paul Celan, matières à représentation et réflexion.

La beauté du film est de nous immerger dans tout cela sans nous assommer. La réflexion de Kiefer - comme le gigantisme de son travail - n’écrase pas, elle élève et la caméra fait de même.

Il est impossible de ne pas céder à la rêverie face à la beauté de ce qui est projeté sur l’écran - peinture, pierre, plomb, flammes - et on suit admiratif la créativité intacte de cet éternel jeune homme absorbé que semble être Anselm Kiefer.

Sébastien Bourdon