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« Alice et le Maire » de Nicolas Pariser

jeudi 10 octobre 2019, par Sébastien Bourdon

I Wanna be Elected

« Le dernier film de Luchini » est incontestablement une réussite qu’on n’espérait pas forcément et qu’on était surtout allé voir parce qu’en bonne compagnie lors d’une avant-première au cinéma en bas de chez soi.

Le Maire de Lyon (Fabrice Luchini donc) n’est plus si jeune depuis longtemps, s’ennuie presque dans sa fonction d’édile et manque cruellement d’un moteur essentiel à son existence (et pourquoi pas, à celle de ses administrés) : les idées.

Il exsude l’usure du pouvoir et ne sait plus vraiment comment orienter ses journées d’élu, les fulgurances de sa jeunesse se sont enfuies.

Afin de réveiller l’animal politique, on lui met dans les pattes une jeune agrégée de philosophie, Alice (Anaïs Demoustier). Rien ne semble absurde dans cette embauche, comme souvent en la matière, la jeune femme gagne un concours de circonstances, et se retrouve dans un petit bureau isolé dans les arcanes du pouvoir.

Et c’est ainsi que cette jeune femme, qui se sent globalement inutile - une philosophe au temps de la start-up nation ! - va s’acoquiner avec quelqu’un qui doute de pouvoir encore servir à quelque chose.

Évidemment, modeste mais piquante, sa curiosité intellectuelle et sa vive intelligence vont produire effet, et le Maire la voudra vite plus près de lui, afin que ses réflexions philosophiques et contemporaines le sortent éventuellement du marasme.

Première habileté de ce très joli film, nous épargner toute ambiguïté sexuelle entre les personnages, ce qui aurait été d’autant plus téléphoné qu’il est vieux avec du pouvoir et qu’elle est jeune et jolie.

Ensuite, le film conserve une forme de douceur en n’omettant pourtant pas de parler de choses essentielles, comme l’impuissance du pouvoir politique dans un monde finissant.

L’angoisse des protagonistes, jeunes comme vieux, est ainsi aussi réelle que fondée, mais comme systématiquement et élégamment tenue à distance, ne jaillissant parfois que dans des larmes silencieuses perdues au milieu de la nuit ou dans un aveu mélancolique (« les femmes m’impressionnent terriblement »).

Le Maire, et c’est en cela que ce film subtil ne parle que de choses graves, est sans réelle autorité. Il voit son inventivité enfuie quand il n’a surtout plus aucun pouvoir de changer le monde, si ce n’est d’espérer continuer à faire croire, aux autres comme à lui-même, qu’il est en capacité de le faire. Le Roi est nu et la jeune fille le regarde.

Les comédiens sont absolument tous exceptionnels, comme portés par le style du réalisateur, à l’image de Luchini qui, s’il ne se refuse pas à certaines saillies drolatiques attendues, joue profil bas un homme qui s’espère encore très haut.

Sébastien Bourdon

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