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« Adieu à l’Opéra » de Yonathan Kellerman

mercredi 1er octobre 2025, par Sébastien Bourdon

Dernières Nuits à l’Opéra

Dans le débat sur les retraites, on évoque souvent le sort des régimes dits spéciaux, mais il en est un qui est peu évoqué, celui dont bénéficient les danseurs de l’opéra de Paris.

Cette institution bénéficie d’une avantageuse particularité qui remonte à 1713, avec la création d’un premier système de pension de retraite : du fait de leur courte carrière, ils sont mis à la retraite à l’âge fatidique de 42 ans.

On pourrait envier les 154 danseurs concernés par cette mesure, mais quitter les planches de l’opéra Garnier si jeune peut aussi être vécu comme un immense déchirement, et c’est l’exact propos de ce magnifique documentaire.

Trois protagonistes vont ainsi bientôt se détacher du lot sautillant des danseurs et de la main d’œuvre frémissante de l’opéra Garnier : les étoiles Alice Renavand et Stéphane Bullion, et Aurélia Bellet, sujet dans le corps de ballet (troisième niveau dans la hiérarchie de la compagnie après étoile et premier danseur).

L’âge les a rattrapés, ils sont sur le départ, et vont témoigner face caméra de cette soudaine cassure dans le cours d’une existence réglée depuis l’enfance comme du papier à musique.

Pour les étoiles, on a invariablement droit à une cérémonie des adieux, un ballet qui les verra une dernière fois fouler ces planches, celles qui ont été leur première et principale obsession depuis l’enfance.

Ce dernier tour de piste programmé bien en avance donne l’occasion au réalisateur de se plonger dans ces vies et ce lieu, en capturant la folie et la beauté.

Si les danseurs se défient avec une grâce infinie des règles de l’apesanteur qui nous frappent nous autres communs des mortels, ils n’en sont pas moins frappadingues dans ce qu’ils s’infligent sans répit.

Les descriptions de ce que cet art fait au corps sont aussi effrayantes qu’est admirable la manière de passer outre, pour livrer encore et toujours au monde la beauté du mouvement.

Si l’on en vient malgré tout à se demander pourquoi fallait-il souffrir autant, Stéphane Bullion donne son explication : « Ces rôles qui m’ont permis de ne pas être moi vont me manquer  ». Et sa voix s’étrangle dans un sanglot.

C’est un sacré combat avec soi qu’il faut mener pour parvenir à sortir, au moins un peu, de soi, particulièrement si l’on choisit pour ce faire une discipline aussi exigeante.

Sébastien Bourdon

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