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Zeitgeist

"The Grand Budapest Hotel" de Wes Anderson

jeudi 19 février 2015, par Sébastien Bourdon

« The Grand Budapest Hotel » de Wes Anderson (2013)

Pour s’éloigner de la fureur du monde, quoi de meilleur qu’un hôtel de luxe (mais de bon ton). Si cet hôtel a le bon goût de se déplacer un peu en arrière dans le temps, cela n’en sera que meilleur, assurément. Un tel voyage dans le temps nécessitant des techniques dont il semble qu’elles ne soient pas franchement au point, reste l’imagination.

C’est somme toute ce que s’acharne à démontrer Wes Anderson dans ce film, imaginant même que le luxe et l’argent n’empêcherait en rien la présence d’êtres supérieurs au tout-venant humain (opinion un peu révolutionnaire finalement). Il en serait donc ainsi de l’exquis Gustave H (Ralph Fiennes), concierge dans les années 30 du Grand Budapest Hotel, palace niché dans les montagnes de la République européenne imaginaire de Zubrowka, appellation farfelue d’un univers que n’aurait sans doute pas renié Hergé.

Au sein de cet immense gâteau rose, somptueusement décoré, où s’ébat une population vieillissante et fortunée, règne donc un monarque éclairé, ledit « Monsieur Gustave ». Dans cet hier, cet homme semble déjà d’autrefois, mais délicieusement. Ses gestes sont élégants, ses propos ne le sont pas moins et sa capacité à réjouir le cœur et le corps des vieilles clientes en vient même à ne jamais être sordide, tant ce garçon semble la quintessence de ce que fût une certaine civilisation occidentale d’avant le chaos terminal.

Las, à force de trop aimer le sexe faible vieillissant, voilà notre héros accusé de détournement d’héritage ce qui va l’amener à de rocambolesques aventures dans un monde en plein bouleversement, guerrier notamment. Il tentera de vaillamment franchir les nombreux obstacles, avec l’aide fidèle de son jeune groom débutant, le prénommé Zéro. Ce disciple dévoué a un prénom qui laisserait à penser que tout commence, quand en réalité il est surtout peu probable que tout recommence ou se poursuive, ce sémillant aspirant Spirou étant né trop tard dans un monde trop vieux.

Le film réussit à ne cesser d’être enjoué, peut-être tout simplement parce que c’est la moindre des politesses. Dans ce monde qui s’effondre au gré de guerres de plus en plus brutales, Monsieur Gustave ne cesse jamais de croire en l’humanité, s’emporte peu mais se débat beaucoup. Le cinéaste traite avec une affection immense ce personnage si raffiné et élégant, ne serait-ce qu’en le faisant évoluer dans des décors de carton-pâte plus beaux et charmants à l’œil les uns que les autres. La fantaisie ne dissimule jamais tout à fait la réalité brutale de cet entre-deux guerres outré, mais de si belle façon que c’en est un enchantement continu.

A la fin, il ne restera plus grand-chose de tout cela, on nous a prévenus dès le début du film. Du monde d’hier de Stefan Zweig, il ne reste plus que des ruines, que l’on peut contempler un peu partout dans la vieille Europe, et c’est sur cette évidence que s’ouvre l’opus. Qu’importe, même si elle n’est plus ce qu’elle était, la nostalgie, comme la mélancolie, ce n’est pas si mal, et il est bien rare que l’on sombre dans la vaine brutalité quand l’âme en est emplie.

Sébastien

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