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« Vermiglio » de Maura Delpero

samedi 22 mars 2025, par Sébastien Bourdon

Les Femmes et les Enfants d’abord

Fin de l’hiver 1944 dans les montagnes du Trentin-Haut-Adige, la vie locale, froide et rude, se maintient tant bien que mal, avec le murmure lointain des combats toujours en cours.

La guerre se résume ici à quelques vagues avions qui passent dans le ciel et à l’absence de certains hommes, dont on ne sait s’ils reviendront. Une angoisse sourde donc, mais si quelques uns risquent leurs vies sur le front, les femmes restées à l’arrière demeurent les éternelles damnées du patriarcat.

Si la nature âpre de la montagne s’impose aux humains, les corps féminins sont ici en première ligne : travailleuses et pondeuses jusqu’à épuisement total.

Un soldat sicilien (Giuseppe De Domenico), usé par les combats, trouve ici refuge et nonobstant certaines légères hostilités nordiques, trouve une place discrète.

Le maître des lieux est l’instituteur (Tommaso Ragno), sachant austère, père d’une flopée d’enfants, qui fait autorité dans la communauté rurale.

Lucia (Martina Scrinzi), la fille aînée de l’enseignant, s’éprend du jeune homme, initiant une série d’événements qui feront la trame du film.

Avec une lenteur majestueuse, la réalisatrice capture des vies apparemment simples, nous en faisant saisir le caractère sociologiquement immuable, sous lequel brûlent les âmes.

Ainsi de ces femmes qui endurent et subissent, mais qui sont traversées de fulgurances émotionnelles, de tentatives de résistance, cherchant à se défaire d’un monde qui les assigne.

La place laissée aux enfants dans le film n’est pas moindre, ces derniers interrogeant et commentant sans cesse les événements, chuchotant dans leur chambrée le soir venu.

Jamais lourdaud ou manichéen, avec une rigueur intellectuelle et esthétique indiscutable, le film nous plonge littéralement dans ce monde ancien. Il arrive que l’on y désire, que l’on y rit et que l’on soit soudainement frappé par la beauté du monde. L’instituteur n’est finalement aussi rude que parce que cette société pauvre et rétrograde en a décidé, et il dissimule des photos licencieuses et écoute des disques sur son Gramophone car c’est « la nourriture de l’âme ».

Dans les brumes enneigées comme dans la fumée des cigarettes, chaque plan est nimbé d’une lumière douce, comme si la violence du monde se refusait à complètement atteindre la beauté des lieux.

On descend finalement de la montagne, comme on sort de la salle, habité de cette atmosphère et de ces gens.

Sébastien Bourdon

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