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« Un Petit Frère » de Léonor Serraille

mercredi 15 février 2023, par Sébastien Bourdon

Comment ça va (avec la douleur) ?

Nous sommes en 1989 et Rose (Annabelle Lengronne), une jeune ivoirienne, trouve refuge en France avec ses deux petits garçons (nous apprendrons qu’elle a deux autres fils, mais qu’elle n’a eu d’autres choix que de laisser au pays).

Hébergés par des proches dans une cité de la banlieue parisienne, le trio fait son trou dans ce nouveau monde aux codes inconnus. Le titre du film semble à ce stade trompeur, puisque l’on s’attache surtout aux pas de la jeune femme. Elle se révèle évidemment mère courage, mais libre.

Elle mène une vie amoureuse gentiment dissolue, cherchant un peu d’exultation et de réconfort dans les rencontres masculines, se refusant d’abord à tomber dans un piège communautaire en épousant un homme aux mêmes origines qu’elle.

Rose se cogne mais ne se plaint pas, petit soldat déterminé à faire une vie meilleure pour elle, mais surtout pour ses fils qu’elle voudrait faire sortir de leurs conditions. A ce stade, il semble même que cela soit possible, son aîné s’avérant être un élève particulièrement appliqué et brillant.

Le film prend en réalité la forme d’une trilogie, avançant par trois sauts dans le temps et se détachant de la mère pour plonger dans le regard des fils, le petit frère (Ahmed Sylla pour l’interprétation à l’âge adulte) clôturant le parcours.

L’exercice était à la fois délicat et complexe : faire passer l’évolution des personnages en changeant les interprètes (à l’exception évidemment de la mère), pouvait faire perdre de sa crédibilité à l’histoire. Or, avec une justesse infinie, les acteurs se mettent dans les pas de l’enfant qui a grandi, sans que jamais on ne cesse de croire à cette avancée en temps et en âge.

Le casting y est pour beaucoup, mais l’écriture n’est presque jamais prise en défaut, que ce soit dans la narration ou dans le ton. Le premier film de Léonor Serraille - « Jeune Fille  » -2017 - était réussi, mais autrement plus foutraque (comme son personnage principal d’ailleurs), quand ici tout fait sens et se tient.

Surtout dans cette histoire d’immigrés qui se cherchent une place, d’enfants perdus face à une mère aussi aimante qu’un chouïa toxique, la réalisatrice parvient à échapper aux voies tutélaires et écrasantes des frères Dardenne ou de Maurice Pialat, pour livrer une œuvre nullement misérabiliste et éminemment personnelle.

Sébastien Bourdon

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